03/09/1880 : Henriette

L’Henriette était une goélette qui avait 23 ans. Elle avait un tonnage de 79 tonnes net. Elle était commandée par le capitaine Joseph Eustache et son équipage se composait de quinze hommes. Le capitaine Eustache nous raconte la mort de son navire.

« J’ai quitté Saint-Pierre et Miquelon le 6 août a quatre heures de l’après-midi sans le concours du pilote. Le vent soufflait modérément du sud-ouest. J’avais à bord mon équipage au complet et tout le matériel nécessaire pour pratiquer la pêche à la morue sur les Bancs. A 9 h 30 alors que je me trouvais en excellente condition de navigation, j’ai fait route pour le Grand Banc où je suis arrivé quelques jours plus tard. J’ai mouillé quatre maillons de chaînes, et tout autour du navire j’ai constaté la présence de plusieurs bateaux. Je suis resté en pêche jusqu’au 26 et quand j’ai quitté les lieux de pêche, j’avais 7,000 morues dans la cale. Le 30 je naviguais avec une petite brise de nord-nord-ouest qui dura jusqu’au 2 septembre où les vents revinrent dans la partie du sud au sud-ouest. Le même jour au soir j’ai pu apercevoir un feu situé sur la péninsule de Burin à Terre-Neuve, j’ai alors changé de direction. Le vent soufflait de nouveau de l’ouest. Dans la nuit du 2 septembre j’ai aperçu dans le nord-ouest le feu de Galantry. Il y avait absence totale de vent et le navire ne gouvernait pas. Le lendemain vers 9 h 30 du matin, le vent a pris au nord-est. J’ai donc fait route vers l’ouest. A midi j’ai aperçu la tête de Galantry dans le nord-nord-est. Aux environs de une heure du matin, j’ai changé ma route et me suis dirigé sur Saint-Pierre. J’ai réussi au prix de grandes difficultés à passer la pointe du Diamant. Voyant que le courant me drossait vers la terre, j’ai essayé de prendre la direction du large mais le navire n’a pas répondu à cette manœuvre. Mon grand mât était brisé partiellement et il y avait un grand trou dans la grande voile. J’ai tenté de nouveau d’effectuer la manœuvre que j’avais manquée antérieurement. De nouveau ce fut un échec. Ce n’est qu’après beaucoup d’efforts et de grandes difficultés que je réussis enfin a virer de bord au large de l’anse a Ravenel.

Le vent ayant changé du sud au sud-ouest, j’ai essaye de franchir la passe du Diamant. J’ai encore essayé la même manœuvre pour changer de direction mais je n’ai pu y parvenir à cause de l’erreur d’un de mes marins qui a relâché une voile à laquelle il ne fallait pas toucher. Le navire revint dans sa position première. J’ai immédiatement réalise que le navire allait s’échouer. J’ai fait mouiller les deux ancres et amener toutes les voiles. Je n’ai pu filer qu’un maillon de chaînes, car je me suis aperçu que si je filais plus, le navire serait sur les rochers. Le navire resta dans cette position environ dix minutes. Soudain deux vagues énormes arrivèrent et les deux ancres lâchèrent prise.

En quelques secondes le navire fut brisé sur les rochers. L’équipage, malgré mes ordres, mit les doris a l’eau, et quitta le navire. Je restai seul avec le saleur nommé Blanchard. Voyant que les hommes étaient partis et que le navire se démolissait rapidement (il y avait déjà un mètre d’eau dans la cale) je décidai de sauter dans un doris pour sauver ma vie. Blanchard y était déjà. L’équipage était parti, je le savais, en direction de Saint-Pierre, mais je ne savais pas s’il y était parvenu.

J’ai quitté l’Henriette vers 6 heures du soir, et je suis arrivé à Saint Pierre vers 8h30 au début de la soirée. En quittant le bateau, l’équipage avait laissé à bord tous ses effets personnels.

Il ressort de l’enquête qui a été effectuée après le naufrage, que le rapport du capitaine offre un contraste frappant avec les déclarations des hommes de l’équipage; et d’autre part, que la déclaration du capitaine quand il dit s’être dirigé vers l’ouest pour éviter les hauts-fonds, ne peut être prise en considération. La conclusion de la commission d’enquête est que la perte de la goélette « Henriette  » fut provoquée par les erreurs commises par le capitaine Eustache.

Laisser un commentaire

*