TRAITÉ de paix et d’alliance entre la Grande Bretagne, la France et l’Espagne, conclu à Paris et accompagné des articles séparés qui en font partie.
Au Nom de la Très Sainte et Indivisible Trinité, Père, Fils, et Saint Esprit. Ainsi soit-il.
Soit notoire à tous Ceux, qu’il appartiendra ou peut appartenir, en Manière quelconque.
Il a plu au Tout Puissant de répandre l’esprit d’union et de Concorde sur les Princes, dont les divisions avaient porté le Trouble dans les quatre parties du Monde, et de leur inspirer le Dessein de faire succéder les Douceurs de la Paix aux Malheurs d’une longue et sanglante Guerre, qui, après s’être élevée entre L’Angleterre et La France, pendant le Règne du Sérénissime et Très Puissant Prince Georges 2. par la Grâce de Dieu Roy de la Grande Bretagne, de glorieuse Mémoire, a été continuée sous le Règne du Sérénissime et Très Puissant Prince Georges 3. Son Successeur, et s’est communiquée dans ses Progrès à l’Espagne et au Portugal;
En Conséquence, Le Sérénissime et Très Puissant Prince Georges 3., par la Grâce de Dieu Roy de la Grande Bretagne, de France, et d’Irlande, Duc de Brunswick et de Lunebourg, Archi-Trésorier et Electeur du Saint Empire Romain; Le Sérénissime et Très Puissant Prince, Louis 15. par la Grâce de Dieu Roy Très Chrétien – Et le Sérénissime et Très Puissant Prince Charles 3., par la Grâce de Dieu Roy d’Espagne, et des Indes, après avoir posé les Fondements de la Paix dans les Préliminaires signés le 3 Novembre dernier à Fontainebleau;
Peu après 3 heures du matin, l’équipage entend un énorme bruit, tout le monde se précipite alors à la timonerie pour y découvrir que le navire n’a plus de pont ni de proue. Ne subsiste, aux regards des hommes, que la partie arrière sur quelques dizaines de mètres. Le navire s’est littéralement brisé en deux, la partie arrière portant la timonerie s’enfonçant immédiatement dans des eaux à deux degrés, le reste du cargo (environ 80 mètres) errant tel un vaisseau fantôme.
Les marins se rendant compte que leur refuge s’enfonce rapidement dans l’eau, et pris de panique, au moins 19 d’entre-eux se jettent à l’eau, tandis que six autres choisissent d’attendre sur place la montée des eaux.
Et ces derniers vont assister à un véritable film d’horreur. En effet, et bien que des canots aient été jetés à l’eau, ils voient leurs camarades se faire aspirer par le trou béant de la coque devant eux.
Un instant aussi, ils vivront un fol espoir, voyant surgir vers eux l’étrave d’un navire qu’ils croient venir leur porter secours. Le vaisseau passant à quelques mètres d’eux, ils découvrent alors la partie avant de leur propre navire. L’eau ayant rejoint les six hommes, ils sautent à leur tour pour nager sur une trentaine de mètres vers un canot de sauvetage. Le destin s’archarne contre eux puisque le canot est retourné, malgré l’énergie du désespoir qui les habite, ils n’arrivent pas à le redresser, le radeau de survie est véritablement collé à la surface comme une ventouse.
Au bout de leurs efforts, les six hommes choisissent dès lors de s’agripper dessus, ne laissant que les jambes dans l’eau, espérant des secours rapides. L’un d’entre eux soutiendra pendant plusieurs heures l’un de ses camarades complètement affaibli, et lorsque, par la force des choses, ce malheureux ne sera plus soutenu, il ne restera que quatre hommes acrochés au radeau, un autre ayant tout simplement disparu.
Quelques 6 heures plus tard, assommé par le froid, ne s’interrogeant même plus sur son avenir, l’un des hommes entend d’abord puis voit l’hélicoptère canadien de sauvetage. Les plongeurs les ayant rejoints, en 10 minutes, ils sont hélitreuillés à bord, avant d’être remenés sur St-Pierre où ils seront soignés au Centre hospitalier François Dunan.
D’après les témoignages des 4 rescapés, il y avait à bord 25 marins. Le temps n’étant pas très mauvais (vents de 70km/h et creux de 4 mètres), ce drame serait du à l’état de délabrement très avancé du cargo.
Un très grand nombre de voyages autour du monde ont été effectués par des marins solitaires dont certains d’entre eux réalisèrent de véritables exploits tels que Vito Dumas, Slocum et plus près de nous Sir Francis Chichester, Eric Tabarly et Alain Colas. Beaucoup d’autres voulurent les imiter sans jamais y parvenir.
Un des plus malchanceux fut Gérard Lapointe de Holyoke, un petit port des Etats-Unis. Il était parti de Gloucester, Massachussets, avec un petit bateau de moins de 8 mètres de long, pour le port de Plymouth en Angleterre. Exténué par un combat continuel depuis son départ, avec le vent et la mer, Lapointe vaincu par la fatigue s’endormit alors qu’il se trouvait au large de l’Ile de Miquelon.
Il fut réveillé de son lourd sommeil par l’écrasement de son bateau sur les rochers du « Ruisseau Creux » sur la côte ouest de Miquelon.
Il s’en tira indemne, mais son bateau fut considéré perte totale.
Un petit bateau de pêche de la région de Gaspé (Canada), après avoir été transformé en yacht était devenu le bateau de rêve d’un jeune couple français qui avait projeté de traverser l’Atlantique. Le petit bateau était parti de Chicoutimi (Canada) pour Saint-Malo en France. Se trouvant sur les Bancs de Terre-Neuve depuis plusieurs jours avec du calme et une grosse houle, les deux occupants étaient très fatigués, en particulier la jeune femme. Le capitaine armateur du « Quic en Groigne » décida d’abandonner le voyage transatlantique et mit le cap sur Saint-Pierre et Miquelon.
Pans la nuit du 30 juillet vers deux heures du matin, par une brume épaisse, il se trouvait à quelques milles seulement dans le 145° de Galantry. Il se dirigea sur la sirène du phare qui fonctionnait régulièrement, avec l’intention de trouver du temps clair en arrivant près de la terre, ce qui lui permettrait de franchir la passe du Sud-Est. L’homme propose mais les éléments disposent. Près de la terre la brume était aussi épaisse qu’au large avec en plus la noirceur de la nuit.
Soudain le petit bateau s’immobilisa, il venait de s’échouer assez doucement sur des rochers. Il n’y avait qu’un très faible ressac, ce qui permit à l’homme de débarquer et de gravir un petit talus. Brusquement il se trouva dans un cimetière parmi les tombes. Ce cimetière était celui de l’Ile aux Marins. Il suivit un petit sentier qui le mena aux premières maisons du village. Il frappa à la porte de plusieurs d’entre elles, mais personne ne répondit à son appel pour la raison que toutes ces maisons étaient inhabitées. Dépassant l’église du bourg il s’engagea dans le petite rue et en désespoir de cause il frappa de nouveau à la porte d’une maison.
Cette fois son appel avait été entendu par la famille Téletchéa de l’Ile aux Marins. Les deux garçons qui étaient des pêcheurs se levèrent immédiatement et quelques minutes après avoir été mis au courant, se dirigèrent très vite sur les lieux de l’échouage où ils récupèrent l’épouse du naufragé. Ils l’amenèrent chez eux où leur mère la réconforta et leur donna à manger. Quand le jour fut venu les frères Téletchéa armèrent leur doris et ramenèrent les naufrages à Saint-Pierre avant d’aller sur les lieux de pêche.
A l’aube le bateau-pilote renfloua le petit bateau et le remorqua dans le port. Le bateau n’avait subi que de faibles dégâts. Il fut réparé et resta passer l’hiver à Saint-Pierre. L’annee suivante, les propriétaires revinrent chercher leur bateau et repartirent avec au Canada.
Le cargo grec de 7 891 tonneaux se trouvait le 27 mars 1973 sur la rade de Saint-Pierre au mouillage. Ce navire avait un équipage de 32 hommes et il avait également à son bord deux passagers. Il était ancré sur la rade de Saint-Pierre où il procédait à des transbordements de poissons en provenance d’un navire usine japonais.
Le capitaine du « Kimolos » étant dans l’ignorance de plusieurs bulletins météorologiques annonçant une dépression équatoriale remontant de la mer des Caraïbes. Des vents violents de Nord-Est accompagnaient cette dépression. Ces vents sont les plus dangereux pour un navire qui se trouve sur la rade de Saint-Pierre à cause des vagues très courtes et très dures qu’ils provoquent sur les petits fonds. Ces vents de Nord-Est étaient accompagnés de fortes bourrasques de neige diminuant sensiblement la visibilité.
Le « Kimolos » qui n’avait à son bord que très peu de lest était très haut sur l’eau et le vent avait beaucoup de prise sur ses superstructures. De plus le navire qui avait une forte « touée » sur ses deux ancres louvoyait énormément sur ses chaînes. Le navire commença à chasser en direction d’un plateau rocheux nommé le « Flétan ». Vers 17 heures ce fut l’échouage sur les rochers.
Au début de la dérive de son bateau le capitaine tenta d’actionner sa machine, mais il n’y parvint pas. Quelques heures seulement après l’échouage, le spécialiste en la matière, le vétéran Walter Partridge arriva sur les lieux avec toute son équipe, et les travaux de renflouement commencèrent. Une partie de la cargaison fut retirée du bord et une partie avariée par l’eau fut jetée à la mer. Les brèches de la coque furent colmatées et le jour où la marée atteignit son niveau le plus élevé, avec l’aide d’un puissant remorqueur venu d’Halifax, le « Kimolos » fut renfloué.
Le navire fut remorqué à Halifax, réparé sommairement et remorqué en Angleterre pour y subir d’importantes réparations. Ce bateau neuf plus favorisé que beaucoup d’autres continue actuellement ses voyages autour du monde.
Seulement quelques semaines après son lancement le chalutier « Cap Brulé » appartenant à la Société « National Sea Products » disparaissait sur les « Veaux-Marins », ces écueils très dangereux situés à 6 milles du Cap Blanc de Miquelon, où avait disparu le 6 octobre 1841 le brick de guerre français « La Vedette ». Ce chalutier moderne fut construit au chantier de Marystown, petit port de la côte sud de Terre-Neuve.
Le 15 janvier vers trois heures du matin, le vent soufflait du ouest-sud-ouest avec une vitesse de 35 milles à l’heure. La température était de l’ordre de -20° Celsius et la visibilité était très réduite à cause de la neige. Le « Cap-Brulé » trainait son chalut dans l’ouest de Miquelon. Une erreur de navigation le fit s’échouer sur les « Veaux-Marins ».
Il était impossible de songer à mettre une embarcation de sauvetage à la mer, car la proximité des rochers sur lesquels déferlait la mer, rendait cette opéération très dangereuse. Le chalutier ne pouvait établir aucun contact radio car ses générateurs, source d ‘énergie électrique, étaient noyés. Une seule chance existait pour les naufrages. Elle consistait à utiliser un petit appareil walkie-talkie.
L’appel fut lancé avec ce minuscule appareil. Ce fut presque miraculeux qu’il soit parvenu aux oreilles d’une auditrice de Miquelon Madame Louise Detcheverry, qui avisa immédiatement les autorités responsables. L’alerte fut donnée et les messages partirent en direction de la base de Summerside dans l’île du Prince Edouard. Cette base envoya immédiatement un hélicoptère qui sauva l’équipage et le ramena à Miquelon, puis ensuite à Terre-Neuve.
Ce magnifique bateau de pêche termina sa courte carrière sur ces dangereux rochers où il fut mis en pièces en quelques jours. Il est à noter que le capitaine du « Cap Brulé » était second officier au moment du naufrage du « Zaandam » dans la rade de Miquelon.
Ce jour du 20 janvier 1972, un vent très violent de 60 milles soufflait du nord-ouest et la température était de l’ordre de -l0° Celsius. Plusieurs bateaux, en particulier des chalutiers étaient venu se mettre à l’abri dans la rade de Miquelon. Parmi ces bateaux se trouvait le chalutier canadien « Zaandam » d’une longueur de 50 mètres, construit en 1965, ayant un tonnage de 667 tonnes. Le « Zaandam » était la propriété de la Société Fishery Products Company ayant son siège à Burin, petit port de la côte sud de Terre-Neuve.
Le Zaandam faisait front très facilement à cette tempête en maintenant son étrave dans le « lit » du vent, son moteur au ralenti lui permettant d’avancer très lentement et il aurait pu certainement attendre la fin de la tempête si les événements ne s’étaient pas précipités.
Le moteur s’arrêta subitement de fonctionner et malgré les efforts déployés par les mécaniciens, le moteur ne démarra pas. Le « Zaandam » dériva et il s’échoua avec force sur un plateau rocheux dénommé « La chatte ». Les pêcheurs de Miquelon avaient suivi le déroulement des événements. Deux doris furent mis à la mer, malgré le vent furieux et malgré la violence du vent, réussirent à accoster le long du « Zaandam ». Pendant leur séjour le long du bord les deux doris tossèrent dur et l’un d’eux eut de graves avaries. Néanmoins ils recueillirent l’équipage et regagnèrent la terre à la grande joie des naufragés et des habitants de la localité qui étaient accourus sur le rivage.
Le « Zaandam » fut considéré perte totale. Sa carcasse est toujours visible pour le voyageur qui arrive à Miquelon.
Très tôt le matin du 21 novembre le chalutier espagnol « Pena Castillo » âgé de quatre ans, et d’un tonnage de 480 tonneaux avec son frère jumeau le « Guernika Ko Arbola » quittait le port de Saint-Pierre pour leur dernier voyage sur les Bancs de pêche avant de partir pour l’Espagne peu avant Noël.
Le « Pena Castillo » sortit le premier du port et après avoir débarqué le pilote, se dirigea vers le large. Quelques minutes plus tard le « Guernika Ko Arbola » à bord duquel se trouvait le pilote Jean Reux, capta un message du « Pena Castillo » annonçant qu’il venait de toucher sur un haut-fond, qu’une partie de sa quille était enlevée et qu’il menaçait de couler rapidement. L’équipage abandonna le bateau, dont l’avant flottait encore grâce à ses ballasts, alors que l’arrière était déjà complètement submergé.
Le pilote Jean Reux et son matelot Georges Franché se dirigèrent très rapidement sur le lieu présumé du sinistre, mais ils ne trouvèrent aucune trace du chalutier et de son équipage. Cela ne les découragea pas car tous deux étaient des marins valeureux et expérimentés et ils continuèrent activement leurs recherches. L’œil fixé au radar ils inspectaient la mer avec beaucoup d’attention mais les recherches étaient très difficiles à effectuer, d’une part à cause de la brume épaisse, d’autre part à cause de tous ces « cailloux » qui gisaient dans le secteur et parmi lesquels il était très difficile de détecter de petites embarcations de sauvetage. Se fiant plus à leur instinct de marin qu’aux indications données par le radar, ayant tous deux une parfaite connaissance des lieux, ils se dirigèrent vers l’Ile Pelée (extrémité méridionale de l’Ile aux Vainqueurs).
Leur flair ne les avait pas trompés. Ils découvrirent avec terreur les trois petits canots à quelques mètres seulement des terribles brisants. Ils manœuvrèrent rapidement et réussirent juste à temps à retirer des dangers les naufragés voués à une mort certaine sans leur intervention. Tous les pêcheurs côtiers de Saint Pierre, en particulier ceux de l’Ile aux Marins, connaissent les dangers que représentent les alentours de l’Ile Pelée, par une mer houleuse et brume épaisse.
Le sauvetage des marins espagnols, effectué par Jean Reux et Georges Franché dans de telles conditions doit être considéré comme un exploit et rester dans la mémoire des jeunes générations. Au moment de l’embarquement dans les canots on constata la disparition du patron de pêche. Quelques jours plus tard l’épave fut repérée à environ 500 mètres dans le 138° près de l’île Pelée, gisant par 35 mètres d’eau.
Le 4 décembre 1971 les deux plongeurs Messieurs Prudence et Cordon penétrant à l’intérieur de l’épave du « Pena Castillo », retrouvent et ramènent le corps du marin disparu dans le naufrage de ce bateau le 21 novembre précédent. En reconnaissance de leur acte courageux le Gouvernement espagnol décerna aux deux braves marins Saint-Pierrais Messieurs Reux et Franché, la médaille de sauvetage le 25 novembre 1972.
La cause présumée du naufrage du chalutier fut une erreur de route dont doit être tenu responsable le girocompas.
Les naufrages ne sont pas pour nos îles des histoires du passé. En dépit des perfectionnements que les hommes ont apportés dans l’art de la navigation par tous les temps, de l’équipement mécanique et électronique dont sont dotés la plupart des navires, en dépit également du niveau d’instruction plus élevé des officiers par rapport à leurs anciens, les marins rencontrent encore de nos jours sur l’immense champ de bataille qu’est la mer, ces vieux ennemis séculaires que sont le vent, la houle, le froid, la neige et encore plus souvent qu’on pourrait le croire, les rochers de certaines côtes inhospitalières.
Voici, raconté dans les lignes qui suivent l’histoire d’un magnifique cargo allemand de dix-sept ans d’âge, le « Transpacific », de 3,865 tonnes de jauge brute, commandé par le capitaine au long cours H. Sperling et appartenant à la « Poseidon Line » de Hambourg.
Ce vapeur avait quitté le port de Port-Alfred sur la Rivière Saguenay, près de l’estuaire du fleuve Saint-Laurent. Il avait une cargaison de barres d’aluminium, des marchandises diverses et également une grand quantité de billes de bois précieux entrant dans la fabrication du contre-plaqué de qualité supérieure. Le « Transpacific » avait également à son bord onze passagers. En descendant le golfe Saint-Laurent, le navire eut des problèmes avec ses appareils de détection radar et également des troubles dans son équipement Decca. Le capitaine Sperling envoya un message radio à Saint-Pierre où il demandait que des techniciens viennent à son bord pour procéder à la réparation des appareils. Le « Transpacific » devait rester mouillé au large du port.
Au moment de l’atterrissage une brume épaisse recouvrait l’archipel. Plusieurs doris en pêche au large de Galantry virent soudain apparaître au milieu d’eux perçant la brume, un gros vapeur dont la route ne leur sembla pas bonne. La côte est de l’île Saint-Pierre est parsemée de « cailloux » isolés à plusieurs milles de la terre ferme. Craignant de voir ce navire s’échouer sur un de ces dangers, les doris tentèrent d’avertir le navire en lui coupant la route mais ils n’y parvinrent pas, car le bateau filait à une vitesse nettement supérieure à la leur qui était d’environ sept noeuds.
Pendant ce temps le bateau-pilote ayant à son bord les techniciens ne trouva pas le « Transpacific » au rendez-vous convenu. Le bateau-pilote adressa un message radio au vapeur. Le capitaine Sperling répondit aussitôt que son navire venait de s’échouer, mais que cet échouage n’avait aucun caractère de gravité et qu’il était convaincu qu’il se retirerait lui-même des cailloux. Le capitaine ignorait totalement où il se trouvait, car s’il l’avait su, il eut été moins optimiste. Le lieu de l’échouage était la « Basse à Marie-Rose », véritable nid de cailloux, situé à quelques centaines de mètres au sud de l’île aux Marins.
En fin d’après-midi, le « Transpacific » essaya avec sa machine en arrière toute de se dégager des cailloux, mais cette tentative se solda par un échec. Les autorités maritimes locales responsables venues sur les lieux de l’échouage, estimèrent que le renflouement du navire était impossible par ses propres moyens. Le capitaine décida de débarquer ses passagers et son équipage. Il resta à bord avec trois officiers.
La nouvelle de cet échouage arriva très vite aux oreilles du Capitaine Finch qui dirigeait l’entreprise de sauvetage « Mil Tug and Salvage » du port de Halifax, qui envoya immédiatement à Saint-Pierre le puissant remorqueur de haute mer « Foundation Vigilant ». Le capitaine Petersen, résident à Montréal en tant que capitaine d’armement de la Poseidon Line et le capitaine Georges L. Hayes expert de la Société de sauvetage Hayes, Stuart and C0 Limited s’envolèrent de Montréal pour Saint-Pierre. En arrivant à Sydney N.S. ils rencontrèrent Mr. David N. Cosert, un avocat, représentant de la Compagnie Poseidon Line à Hambourg. Le capitaine Hans Eric Ludwig, Inspecteur en chef de la Poseidon Line était déjà au-dessus de l’Atlantique en route pour Sydney.
Le navire postal « Ile de Saint-Pierre » qui se trouvait à Sydney prit à son bord toutes ces personnalités, qui pendant le voyage purent obtenir des précisions supplémentaires concernant l’échouage du « Transpacific ». Pendant la traversée Sydney-Saint Pierre un télégramme fut adressé aux personnes responsables se trouvant à bord du bateau postal, que le gouvernement français rendait responsables les assureurs du navire échoué, des dommages qui seraient causés par la pollution sur le littoral des îles. On savait de source sûre à Saint-Pierre que le « Transpacific » avait dans ses soutes 4oo tonnes de bunker (huile Diesel) et d’huile lubrifiante. Immédiatement une action de pompage par barges fut suggérée.
Il y avait un autre problème urgent à résoudre, il s’agissait du transport des passagers. A cause de la brume persistante, l’avion ne pouvait atterrir. Une suggestion fut émise concernant une éventuelle escale spéciale du paquebot soviétique de 20,000 tonnes « Alexandre Pushkine », mais cette idée ne fut pas retenue. Un remorqueur de Terre-Neuve tenta de le renflouer, mais le navire échoué était trop monté sur les rochers et ce fut l’échec. A ce moment déjà le vapeur accusait une gîte assez importante.
Après l’arrivée de « l’Ile de Saint-Pierre », les personnalités officielles se rendirent à bord et après une longue et méticuleuse inspection, se consultèrent et décidèrent que le renflouement du « Transpacific » se révelait impossible. Le capitaine Spirling invita tous ses visiteurs à un grand dîner à bord de son bateau. Ce dîner fut en quelque sorte un dîner d’adieu, le « chant du cygne » du malheureux navire. Sur la grande table dressée dans la salle à manger, on mit les plus belles nappes, la vaisselle d’argent, les verres et coupes de cristal, et les meilleurs rumsteacks de la boucherie du bord. On sortit de la cave à liqueurs les meilleurs vins du Rhin, quelques bouteilles de bon Bourgogne et on termina par un « Mumm » de la meilleure cuvée. Ce repas de Lucullus fut vraiment le « nec plus ultra » de ce que l’on pouvait faire avec les moyens du bord. Après le repas, le chef mécanicien descendit dans la machine fermer les vannes d’alimentation des moteurs. Maintenant le grand navire n’avait plus d’âme, ce geste de l’officier mécanicien était le permis d’inhumer du navire échoué. Les experts considérèrent également que le débarquement de la cargaison entraînerait des frais considérables et conclurent qu’il fallait y renoncer.
Durant la nuit et toute la journée du lendemain, 70 doris de Saint-Pierre vinrent le long du bord et vidèrent littéralement les cales de toute la marchandise qu’elles contenaient, des meubles, des jukeboxes, des tondeuses à gazon, des vêtements et autres articles. Ces débardeurs occasionnels réussirent même à utiliser un des mâts de charge et à faire fonctionner les panneaux Mac-Grégor qui fermaient les écoutilles. Quatre jours après l’échouage du « Transpacific » le capitaine et quelques officiels de la Poseidon Line tentèrent d’embarquer à bord pour essayer de remettre on route les moteurs, ce qui aurait permis la remise en marche des pompes pour l’évacuation du mazout. Ces « sauveteurs » d’un nouveau genre, qui se trouvaient toujours à bord, enlevèrent l’échelle de pilote qui permettait d’accéder sur le pont du navire échoué. Le capitaine et ses collaborateurs ne purent donc embarquer et s’on retournèrent à terre fort mécontents. Immédiatement après son arrivée au port le capitaine Sperling déposa une plainte devant les autorités locales responsables. Celles-ci envoyèrent le petit bateau « Miquelon » monter la garde pour tenter d’arrêter ce que le capitaine allemand considérait comme le « pillage » de son bateau.
Pendant le déroulement de ces événements une note d’une grande gaieté, nous dirons même burlesque, fut apportée par la bouche d’un officier allemand. Devant le nombre imposant de tondeuses à gazon récupérées par ces « sauveteurs » zélés, il pensait qu’un commerçant de la place serait très avisé de commander pour les pelouses saint-pierraises un important stock de graines à gazon.
La Société « Atlantic Salvage and Dredging » du port de Halifax fut contactée et accepta de venir à Saint-Pierre pour résoudre le problème de la pollution. Walter Partridge, un spécialiste diplômé en matière de sauvetage en mer, arriva à bord de « Alma Griffin » avec un important matériel. Il amena avec lui un spécialiste de la plongée sous-marine, Fleming J. Vemb qui effectuait des plongées depuis l’âge de 12 ans. Son premier travail fut exécuté en tant qu’assistant de son grand père, ou les deux hommes sortirent 300 cadavres d’un navire allemand torpillé.
Partridge décida de brûler le « mazout » étant donné l’impérieuse nécessité de nettoyer de façon complète les cales de l’épave. Les bancs de pêche fréquentés par les pêcheurs locaux étaient à proximité du navire. Il fallait donc nettoyer de façon rationnelle pour éviter toute pollution.
Le reste de la cargaison était sous l’eau, barres d’aluminium, billes de bois, etc. etc.. Partridge et son équipe pratiquèrent de larges ouvertures sur les dessus des réservoirs à mazout. Une sorte d’énorme « matelas » fut confectionné avec du bois, plusieurs couches de foin sec, de nouveau du bois et des matériaux inflammables tels que pneus de caoutchouc, l’ensemble imbibé de mazout et d’essence. Une longue mèche très sèche reliait le matelas à l’extérieur. Trente trous furent percés dans la coque pour servir de cheminée d’aération. Enfin quand tous ces préparatifs furent terminés, on alluma la mèche. Une formidable explosion déchira l’air et une énorme flamme suivie d’une épaisse fumée sortit du « Transpacific ». Pendant 61 heures les flammes labourèrent les flancs et les superstructures du pauvre navire. Pendant ces trois jours que dura l’agonie du bateau, une brise favorable de Sud-ouest chassa la fumée en direction de Terre-Neuve. Le feu s’arrêta faute d’aliment. La très petite quantité de mazout qui restait dans les fonds fut entièrement enlevée par 90 gallons (400 litres) de produits chimiques. La brume très épaisse dura dix jours. Les onze passagers et les trente-deux membres d’équipage partirent à Terre-Neuve par la vedette à passagers « Béothie ». Ils furent ensuite dirigés via Gander sur Montréal et l’Europe.
L’opération antipollution terminée, il fut possible de récupérer la totalité des billes de bois et des barres d’aluminium, un puissant élévateur, plusieurs centaines de barils métalliques pour mettre de la bière et cinquante barils de miel, quelques apparaux de mouillage tels que ancres et chaînes.
L’épave du « Transpacific » resta entière pendant les mois d’été, mais les grandes tempêtes d’automne brisèrent le navire en trois parties. L’avant alla s’échouer sur la grève du Cap Beaudry à l’Ile aux Marins, la partie centrale constituée par la machine et la timonerie, resta sur le haut-fond et résista longtemps au travail de laminage quotidien de la mer. Enfin la partie arrière glissa et coula à l’accore du haut-fond.
Une fois de plus la preuve était faite qu’un bateau de construction récente, doté d’un équipement moderne très sophistiqué, monté par un état major compétant et un équipage expérimenté, pouvait devenir de nos jours encore la victime de cette terrible « gueuse » que certains rêveurs s’obstinent et persistent à désigner du nom de berceuse aux flots bleus.
Le 3 novembre 1970 le temps est beau et le vent nul, ce qui est assez rare a cette époque de l’annee. Monsieur Georges Haran, capitaine et armateur du « Pascal-Annie », part effectuer une extraction de sable dans l’Anse à Philibert, ainsi qu’il a coutume de le faire depuis plusieurs annees. En plus de ce travail, le « Pascal Annie » assure le service inter îles entre Saint-Pierre et l’Ile de Miquelon-Langlade. Pendant la saison estivale ce bateau fait un service quotidien de passagers entre Saint-Pierre et Fortune dans l’Ile de Terre-Neuve.
Une heure environ après être arrivé dans l’Anse à Philibert, le vent s’oriente au Sud-Est très doucement. L’extraction se poursuit pendant plusieurs heures; au moment où elle se termine, le vent souffle déjà fort de l’Est-Sud-Est et le ressac s’amplifie très vite sur la grève. Au moment d’appareiller, le moteur tarde à démarrer et le « Pascal-Annie » talonne une première fois. Voyant que la machine ne répond pas, le capitaine Haran demande de l’aide car son bateau talonne de plus en plus fort sur les rochers.
Deux bateaux partent immédiatement pour aider le camarade en difficulté. Il s’agit du « Diamant », capitaine Joseph Poirier, et de la « Cormorandière », la vedette des Phares et Balises, commandée par Charles Tillard. Le « Diamant » réussit parfaitement sa prise de remorque.
Il n’en est pas de même pour la « Cormorandière ». Au moment de la prise de remorque, celle-ci prend dans l’hélice de la vedette qui vient se coller au « Pascal-Annie ». Le vent augmente d’intensité et malgré la bonne volonté et la ténacité du patron du « Diamant », il ne peut dégager les deux bateaux échoués.
Il est obligé de larguer sa propre remorque et de revenir au port. Le sort des deux bateaux est scellé: c’est la mer, maintenant en furie, qui aura le dernier mot. Les deux équipages évacuent le bord avec quelques difficultés. Pendant plusieurs jours ce fut une lente agonie pour ces deux bateaux qui ne voulaient pas mourir. Le perte du « Pascal-Annie » fut particulièrement ressentie dans les Iles, et de nos jours, nombreux sont les Saint-Pierrais qui regrettent de ne plus voir la familière silhouette de ce bateau qui rendait de si grand services à notre territoire.