08/08/1922 : André-Pierre

Je soussigné Placide Daussy, capitaine du chalutier André-Pierre de Fécamp, d’un tonnage de 200 tonnes, déclare :

J’ai quitté le port de Fécamp le 6 juillet 1922, en route pour le Grand Banc de Terre-Neuve. Après avoir pris du charbon dans le port de Sydney, N.S., j’ai quitté ce port le 28 juillet pour aller pêcher sur le Grand Banc où je suis arrivé le lendemain et j’ai mis en pêche aussitôt. De ce jour jusqu’au 7 août j’ai pêché une très grosse quantité de poissons. Mon lot de sel étant épuisé, j’ai mis en route pour Saint-Pierre avec dans la cale environ 4000 quintaux de morue. La brume était très épaisse et la route donnée au timonier était à l’est. D’après les indications du lock nous avions parcouru 168 milles marins. La distance restant à franchir avant d’apercevoir la terre était de l’ordre de 20 milles. J’ai diminué de vitesse à cause de la brume encore plus épaisse à proximité de la terre. A 8 h 30 nous nous sommes échoués. Immédiatement j’ai renversé la machine, mais sans succès, le navire étant trop échoué pour que la machine puisse le renflouer. La brume continuait d’être très dense.

La mer n’étant pas très mauvaise, j’ai donné l’ordre de mettre une chaloupe à la mer le long du bord. Nous y avons déposé deux ancres que nous avons mouillées à environ 600 mètres sur l’arrière du navire. Nous avons viré sur ces deux ancres mouillées, mais cette manœuvre s’est terminée par un échec, car les deux ancres ont ripé sur le fond n’offrant aucune résistance à la traction. Le navire commençait à fatiguer et il talonnait très fort sous l’effet du vent et du gros ressac. Nous avons fait tout ce qu’il était possible de faire pour nous retirer de cette fâcheuse situation. Nous avons jeté une grande partie de notre charbon à la mer dans le but d’alléger le bateau ; malgré cela le navire était trop fortement empalé sur les rochers. Nous avons continué nos efforts jusqu’au moment du plus haut niveau de la marée montante, mais finalement il nous a fallu renoncer. Le navire prenait de l’eau par l’avant et par l’arrière.

Durant la journée le vent a été modéré mais il a augmenté de force ainsi que la mer autour du navire. J’ai décidé qu’une partie de l’équipage irait à terre. Il a réussi à y prendre pied, mais au prix de grandes difficultés. La chaloupe a chaviré trois fois le long du bord et il a fallu la vider à chaque fois. Je suis resté à bord avec quelques officiers et l’opérateur radio. Pendant la nuit il a été impossible d’effectuer aucune opération pour renflouer le navire. L’eau avait envahi la salle des machines. Nous avons pris contact avec Saint-Pierre au moyen de la télégraphie du bord. Nous sommes restés a bord le lendemain, et le surlendemain en début de soirée nous avons réussi à prendre pied sur la terre avec de grandes difficultés. Fort heureusement ce naufrage n’a occasionné que des pertes matérielles, car tous les membres de l’équipage se sont retrouvés tous à terre en sécurité.

Dans son rapport le capitaine Daussy n’indique pas le lieu du naufrage. Une fois de plus, le violent courant portant de façon constante au nord était responsable de ce naufrage. En effet le chalutier André-Pierre termina sa carrière sur les rochers de la Pointe au Cheval. La dune de Langlade méritait bien son nom de nécropole des navires.

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