31/12/1950 : Présentation des Iles Saint Pierre et Miquelon

Présentation des Iles Saint Pierre et Miquelon datant de 1950

(Livret édité par l’agence de la France d’Outre-Mer)

I. GEOGRAPHIE

II. HISTOIRE

III. ECONOMIE

IV. ADMINISTRATION

 

I. GEOGRAPHIE s

  • a) Situation et superficie sL’archipel de Saint-Pierre et Miquelon comprend trois îles principales : Saint-Pierre, Langlade et Miquelon ; en fait ces deux dernières, depuis environ cent soixante-quinze ans, sont reliées l’une à l’autre par un isthme bas et sablonneux. Une dizaine d’îlots, des rochers, des écueils entourent le groupe et rendent dangereuse la navigation.Cet archipel est situé dans l’Océan Atlantique entre 46° 45′ et 47° 10′ de latitude nord et 56° 5′ et 56° 25′ de longitude ouest de Greenwich, c’est-à-dire à six lieues de la côte sud de Terre-Neuve, dont il n’est en somme qu’une dépendance géographique.Il s’étend du nord au sud sur cinquante kilomètres environ et sa superficie totale est de 242 kilomètres carrés (26 pour Saint-Pierre, 216 pour Langlade et Miquelon).Ces îles et ces îlots sont les sommets émergés d’un banc sous-marin que les océanographes désignent par le nom de Banc de Miquelon ; de sorte que, entre l’archipel et Terre-Neuve, on ne trouve guère de profondeur dépassant 200 mètres.Trois agglomérations abritent la population : la ville de Saint-Pierre, les bourgs de Miquelon et de l’Ile-aux-Marins ; ce dernier, dans l’île homonyme au milieu de la rade même de Saint-Pierre. Langlade ne contient que des fermes isolées.

    Plus de 40 kilomètres, dont 10 de mer (la Baie, entre l’île Saint-Pierre et l’île Langlade), séparent la ville de Saint-Pierre du village de Miquelon.

  • b) Géologie s
    • 1. Formation géologique sLes premières études géologiques de l’archipel, qui remontaient à 1819 (B. de La Pilaye), 1866 (pharmacien de la marine A. Gautier) et 1927 (frère L. Arsène), très fragmentaires ne donnaient qu’un aperçu succinct de la formation géologique de l’archipel. Il fallut attendre 1932 et les recherches méthodiques du géographe Aubert de La Rue pour avoir enfin des données précises et complètes. Comme Terre-Neuve et la Nouvelle-Ecosse, Saint-Pierre et Miquelon font partie de l’ancienne chaîne des Appalaches ; les différents terrains qui affleurent sont tous très anciens.Il y a des formations cambriennes certaines et d’autres, non fossilifères, qui sont peut-être précambriennes. Ces anciens sédiments, surtout bien représentés à Langlade et dans le nord de Miquelon, sont peu ou pas métamorphiques dans la première de ces Iles, mais fortement dans la seconde. Ils sont, d’autre part, extrêmement bouleversés, ayant été affectés par de multiples cassures et par des glissements nombreux dont la direction générale est N.E-S.O.
    • 2. Saint-Pierre sSaint-Pierre et les îlots qui l’avoisinent sont d’origine entièrement volcanique ; épanchements de laves très acides, surtout rhyolitiques, et abondants produits de projection (tufs et cinérites), fortement consolidés et même silicifiés.Les rhyolites de Saint-Pierre, sont des laves remarquablement dures, extrêmement variées de formes et de couleurs. Les rouges, les roses, les mauves, les bruns, les verts dominent. Mais le plus généralement elles sont nettement porphyriques, avec des cristaux de quartz ou de feldspath clairs, se détachant sur une pâte plus foncée.Les tufs rhyolitiques, beiges ou rouges, forment des bancs parfaitement stratifiés, assez semblables à des roches sédimentaires, au milieu des rhyolites. Ainsi entre le cap à l’Aigle et le cap Rouge. D’une façon générale, toutes les roches rhyolitiques de Saint-Pierre, très taillées et souvent hachées de diaclases, paraissent avoir été écrasées et tordues ; c’est là le résultat de mouvements tangentiels d’une grande intensité.
    • Ici et là paraissent des roches volcaniques moins acides, d’autres franchement basiques, des andésites, des roches basaltiques massives (hauteurs à l’est du hameau de Savoyard). Enfin, des roches lourdes, d’un noir verdâtre, forment des filons très nets sur toute l’étendue de Saint-Pierre et dans le nord-ouest de l’île aux Marins ; ce sont des basaltes et des dolérites, traversant les rhyolites.
    • 3. Langlade sDes assises sédimentaires, peu métamorphiques mais très disloquées, dominent à Langlade, par bandes suivant une orientation NE-SO, direction habituelle des plis appalachiens. Grès rougeâtres assez grossiers, avec des schistes rouges intercalés, dans le nord et l’ouest; schistes ardoisiers gris, verts, rougeâtres, petits bancs de quartzites bien stratifiés et grès arkosiques lilas dans le centre, l’est et le sud.Il est difficile de dater ces terrains, la plupart des couches n’étant pas fossilifères. Pourtant, selon M. Aubert de La Rue, les terrains sédimentaires de Langlade pourraient être cambriens. Les schistes gris à trilobites qui affleurent à l’anse aux Soldats, le long de la Belle-Rivière et du ruisseau Debons, dans l’anse du Sud-Ouest et à l’est du Cap Bleu, appartiennent avec certitude à l’acadien (cambrien moyen).Au nord de l’île, des masses de rochers volcaniques apparaissent, particulièrement entre l’anse aux Soldats et l’isthme de Langlade. Ce sont même des coulées basaltiques qui dominent autour du cap aux Morts, dans les hauteurs au sud-est de l’anse du Gouvernement, à l’embouchure de la Belle Rivière et dans les collines avoisinantes jusqu’à la Dune. Des épanchements de rhyolites mauves sont fréquemment visibles auprès des basaltes. Les uns et les autres peuvent aussi être datés du cambrien.
    • 4. Miquelon sDu point de vue géologique, une ligne allant de l’étang du Chapeau à la Roncière partage Miquelon en deux. Tout le sud est semblable à Saint-Pierre : laves rhyolitiques, mais rarement bréchoïdes et pauvres en tufs. Dans l’est de l’île et au sud du Grand-Etang existent des basaltes.Le nord de Miquelon, d’ailleurs couvert de tourbières, laisse voir sur ses bords des gneiss, des cornéennes, des amphibolites, recoupés par des dykes de rhyolite et de microgranite. Tout le promontoire du Cap est particulièrement composé de roches métamorphiques : schistes satinés schistes à cordiérite, paragneiss, quartzites à magnétite, amphibolite. Toutes ces roches seraient peut-être précambriennes.La région du Cap fait, en effet, partie de l’auréole de métamorphisme d’une importante intrusion granitique formant un massif assez considérable mais on ne voit ici qu’une partie, qui s’enfonce sous la mer et réapparaît à plusieurs milles de là, aux Veaux-Marins. Des filons de dolérite et de basalte, soit plus jeunes soit plus anciens que les filons granitiques, sillonnent Miquelon comme le reste de l’archipel.
    • 5. Phénomènes glaciaires sL’archipel tout entier porte la marque très nette d’une ancienne glaciation. A l’époque pléistocène, les glaciers du Labrador s’étendirent sur Terre-Neuve qu’ils recouvrirent ainsi d’un vaste inlandsis, et Saint-Pierre et Miquelon se trouvèrent ensevelies sous la glace.Il en résulte de grandes surfaces de roches moutonnées et polies, des étangs nombreux dans des cuvettes rocheuses creusées par les glaces, et surtout des dépôts morainiques largement étalés dans les parties basses des îles et à leur périphérie. Un épais manteau de débris glaciaires recouvre aussi les îlots en bordure de Saint-Pierre. Sur les hauteurs, dans les dépressions entre les mornes, on observe encore des vestiges de moraines épargnées par l’érosion.La plupart de ces dépôts glaciaires sont originaires de Terre-Neuve, notamment des blocs erratiques surtout granitiques apportés par les glaciers quaternaires grâce à l’inlandsis. Il existait sans doute d’ailleurs une liaison terrestre entre l’archipel et Terre-Neuve, aujourd’hui disparue à la suite d’un affaissement post-glaciaire.Tout autour des trois îles, se trouvent des moraines immergées. Elles ont fourni aux courants marins et aux vagues les matériaux qui ont permis l’édification de cordons littoraux, isolant de la mer de nombreux étangs côtiers, reliant entre elles des îles autrefois séparées. Levées de galets, chaussées sablonneuses, dunes à divers stades d’évolution, sont également d’origine morainique, mais plus récente.
    • 6. Les ressources du sous-sol sLes indices de minéralisation sont assez nombreux dans l’archipel.C’est le fer qui paraît être le plus abondant des métaux. Le minerai le plus riche est celui du Colombier ; il s’agit d’une hématite rouge très pure dont la teneur en fer, d’excellente qualité, varie de 55,85 à 63,05 %. Des sondages avaient été entrepris à l’automne de 1941 ; interrompus l’annee suivante, ils sont restés en l’état.On relève des indices d’hématite dans les quartzites de l’Anse à Ross et sur les graves à Langlade. Les bandes de minerai de fer magnétique du Calvaire (Miquelon) accusent une teneur en fer de 42 % et une proportion d’acide titanique d’environ 10 %.La pyrite de fer, très commune dans tout l’archipel, ne forme pourtant pas de dépôts importants.Le cuivre existe en de nombreux points à l’état sporadique. Il apparaît à l’Anse à Dinan (Saint-Pierre), au Cap aux Morts, à la Belle Rivière, au Cap Percé, à l’Anse aux Soldats (Langlade) ; dans les falaises basaltiques de l’anse aux Corbeaux, où se trouve la plus belle minéralisation, certains filons ont une teneur en cuivre variant de 10 à 35 %.

      De faibles indices de plomb, sous forme de galène, ont été décelés dans le nord-est de Langlade, et des oxydes impurs de manganèse, dans beaucoup de tourbières.

      Les autres métaux n’existent qu’en quantités négligeables : zinc (petits cristaux de blende dans les schistes ardoisiers noirs de l’Anse aux Soldats), molybdène (rares inclusions dans les amphibolites près du Cap Miquelon) , titane (traces d’ilménite ou fer titané dans les filons de pegmatite des gneiss du Cap et du Calvaire, Miquelon), manganèse (importantes couches de wad dans toutes les tourbières, mais dont la teneur en manganèse est faible).

      En résumé, aucun métal ne constitue de gisements d’intérêt économique, sauf peut-être le fer du Colombier.

      En dehors des métaux, si le talc et la barytine à Langlade, l’amiante à Saint-Pierre, la pyrophyllite au Grand Colombier, sont peu abondants, en revanche, le fond de beaucoup d’étangs contient des couches épaisses (jusqu’à deux mètres) de diatomite, accumulation de faustules d’algues siliceuses microscopiques, très recherchée pour de nombreuses utilisations industrielles. Il y a là une richesse d’au moins 100.000 tonnes qui dort, parfaitement inexploitée.

       » Une substance que l’on est surpris de voir absolument négligée, est la tourbe « , dit Aubert de la Rue. Elle abonde un peu partout. On trouve à Miquelon et à Langlade de vastes tourbières qui seraient d’une exploitation facile et peu coûteuse. Aucune tentative n’a jamais été faite pour tirer parti de ce combustible. Malgré les recommandations de l’administration qui, à diverses reprises, a préconisé son emploi pour le chauffage, la population témoigne d’une grande méfiance à l’égard de ce combustible si largement utilisé en bien d’autres régions. Son emploi permettrait cependant d’éviter la destruction des dernières forêts du pays.

      Inutilisés aussi les carrières de porphyre, les gisements d’ardoise et les dépôts d’argile, car presque toutes les habitations sont en bois. Les briques dont sont faites quelques anciennes et très rares maisons de Saint-Pierre ont été importées.

      Enfin les rhyolites, ou porphyres quartzifères, qui abondent dans l’Archipel, pourraient donner naissance à une industrie décorative, du type artisanal, des plus intéressantes. On pourrait faire avec les rhyolites rosés de Saint-Pierre et de l’île aux Marins, ainsi qu’avec les jaspes verts, jaunes, bruns, rouges, violacées du Colombier et d’ailleurs, divers bibelots et souvenirs qui seraient certainement appréciés des touristes estivants.

       

  • c) Aspect physique s
    • 1. Toponymie sToute la toponymie de l’archipel est entièrement française. Elle est l’œuvre de générations de navigateurs, de pêcheurs et de colons qui s’y sont succédés depuis plus de trois cents ans. Les Anglais qui, depuis 1763, ont régi les îles une première fois pendant cinquante ans, une seconde fois pendant cinq ans, une troisième fois pendant neuf ans et une quatrième fois pendant treize ans n’ont laissé aucune trace dans la toponymie ; non plus les tribus indiennes de race algonquin qui habitaient le sud de Terre-Neuve, sauf peut-être à la Pointe Musketa (?) qu’on appelle aujourd’hui, d’ailleurs, Pointe au Cheval.Certains pensent que Saint-Pierre et Miquelon auraient été nommées d’abord par des navigateurs portugais, San-Pedro et Miguel. Saint-Pierre serait alors la traduction de San-Pedro et Miquelon (parfois graphié Michelon sur d’anciennes cartes), un diminutif de Miguel ou Miquel. C’est possible mais non prouvé.Quant à Langlade, on l’appelait l’Isle à l’Anglois au XVll siècle, l’Isle Choiseul dans la seconde moitié du XVIII, en même temps que Petite Miquelon. Son nom actuel lui vient peut-être d’un officier des troupes de la marine, Charles-Michel de Langlade, qui a par ailleurs servi à désigner un lac du canton de Bourlamaque en Abitibi (Canada français). Ile à l’Anglais, Langlay, ainsi qu’écrit Voltaire dans son Précis du Siècle de Louis XV, Langlade, les étymologies, comme il arrive souvent en toponymie, ont pu se confondre dans la pensée populaire.L’Ile aux Marins s’appelait l’Ile aux Chiens jusqu’à une période très récente ; ses habitants s’accommodaient fort bien de cette appellation, mais un nouveau curé la trouva injurieuse pour eux. Il entreprit des démarches auprès de l’administration, proposant tour à tour et sans succès. Ile aux Saints et Ile Notre-Dame des Marins. Finalement par décret du 2 mai 1931, promulgué le 1er juin suivant, l’Administration adopta le nom d’Ile aux Marins.Les agglomérations principales (Saint-Pierre, Miquelon, Ile-aux-Marins) portent donc tout simplement le nom des îles où elles se trouvent. Seule Saint-Pierre, pendant l’occupation anglaise de 1713, fut décorée du nom très provisoire de Bourgway.

      Les noms de lieux sont très variés en même temps que très vivants, ayant presque toujours une signification précise, en rapport avec l’aspect des lieux ; Cap Rouge, Cap Congé, Anse des Voiles Blanches, Tête Pelée, Etang Noir… ; avec la situation : Bouillée du Noroît, Pointe du Ouest… ; avec la faune : la Cormorandière, Pointe aux Alouettes, Etang à Outardes, Trou aux Loups Marins… ; avec la flore : Chemin des Roses… ; avec la pêche : Anse à Capelan. D’autres rappellent des événements ou évoquent le souvenir d’anciens gouverneurs ou de colons : Cap aux Morts, Cap d’Angeac, Anse à Pierre, Pointes de Belliveau, Ruisseau Debon, Morne à Blandin…

      Quelques noms sont plus expressifs encore, ou plus inattendus : les Enfants Perdus (îlots au sud, de l’Ile Verte), les Canailles (récifs au large de Saint-Pierre), le Vide-Bouteille, le Poil à Roblot, etc…

      Voici, d’après Edgar Aubert de La Rue, un tableau donnant la signification des termes géographiques locaux :

      – Barachois: Petit port naturel (le Petit Barachois de Langlade).
      – Basse : Haut-fond rocheux recouvert d’une faible épaisseur d’eau, ne permettant pas à un navire de passer sans risque de toucher (Basse de la Marne, à Saint-Pierre).
      – Bature : Rocher à fleur d’eau sur lequel la mer vient se briser. Alignement de récifs prolongeant en mer un point saillant du rivage (Bature à Maillard, à Miquelon).
      – Bouillée : Petite forêt (la Bouillée du Nordet, à Miquelon).
      – Buttereau : Dune fixée, recouverte de prairies (les Buttereaux de l’isthme de Langlade).
      – Canal : Cours d’eau en général. S’applique plus spécialement aux ruisseaux coulant tranquillement et serpentant au milieu, d’une plaine.
      – Cap : En plus de son sens habituel, ce mot est fréquemment employé pour désigner un sommet, situé à l’intérieur des terres, visible du large, mais sans rapport, avec la configuration de la côte (le Cap Corbeau, à Langlade).
      – Couline : Signifie généralement une petite ruelle, mais s’emploie également pour désigner une légère dépression du sol (la Couline à Franchesse, à Langlade). On appelle aussi coulines, les petits vallonnements compris entre les alignements d’anciens cordons de galets, tels qu’on peut en observer sur, l’isthme de Langlade et dans la plaine de Miquelon.
      – Dune : II ne s’agit pas seulement des formations éoliennes uniquement sablonneuses, mais également de certains cordons littoraux, formés en grande partie par des galets (Dune de Mirande).
      – Graves : Ce sont habituellement des étendues de galets aménagées par l’homme pour le séchage des morues. Par extension, ce terme s’applique aux champs de pierres anguleuses, éclatées sous l’action du gel, comme on en rencontre sur les plateaux de Langlade.
      – Marais : Ce terme est généralement synonyme d’étang et plus particulièrement de petit étang.
      – Marigot : Se dit parfois d’un petit ruisseau.
      – Montagne : Ce mot est employé avec une signification très spéciale. Il est synonyme de terrain inculte, sans que la notion d’élévation intervienne. A Saint-Pierre, par exemple, on appelle montagne, toute l’étendue de l’île située hors de la ville et demeurée en friche.
      – Morne : Ce vieux mot créole, en usage aux Mascareignes et aux Antilles, s’emploie couramment dans l’archipel pour désigner une éminence d’une certaine importance, au profil mou (le Morne à Blandin, le Morne de la Montée, à Miquelon).
      – Plain : Désigne en principe les parties plates et unies du littoral, telles que les plages et les grèves, mais il est employé aussi dans le sens de rivage en général.
      – Plaine: A Langlade, ce terme sert habituellement à désigner un plateau tourbeux (la Plaine des Voiles Blanches).
      – Platier : Espace plat et bas où l’on récolte ordinairement du foin.
      – Terres Grasses : Nom donné à certaines moraines très argileuses, comme celles du Petit Barachois de Langlade.
      – Terres Noires : Anciennes tourbières où la tourbe forme des affleurements noirâtres. Plusieurs points de Miquelon portent le nom de Terres Noires.
      – Terres Rouges : Appellation de certaines falaises du Cap (Miquelon), en raison de la coloration rougeâtre qu’offre le rocher.
      – Tête : Sommet rocheux isolé (la Tête Pelée, à Langlade).
      – Trou : S’emploie habituellement dans le sens de petite crique (le Trou à Gui de Miquelon, le Trou à la Baleine de Langlade).

    • 2. L’île Saint-Pierre sL’Ile Saint-Pierre est la plus méridionale de l’archipel ; c’est la plus petite des trois îles principales, mais en même temps la plus importante, car elle renferme la capitale de l’archipel. Sa forme est sensiblement celle d’un triangle mesurant 8 kilomètres du nord-est au sud-ouest et 7 kilomètres de l’est à l’ouest.La partie nord est physiquement très différente de la partie sud, de sorte que l’on a coutume de distinguer le district des mornes des terres basses.Le relief de la partie nord est très tourmenté, et l’on a l’impression d’altitudes beaucoup plus élevées qu’elles ne le sont en réalité. Ce ne sont que mornes escarpés dont le plus haut, à peu près au milieu de l’île, atteint à peine 200 mètres. Sommets dénudés, aux flancs recouverts par places de forêts naines, avec des dépressions occupées par des tourbières et des étangs parfois très étendus.On ne compte pas moins d’une centaine d’étangs, d’origine glaciaire le plus souvent, au milieu des hauteurs de Saint-Pierre. Ils alimentent les torrents dévalant des mornes et dont le plus important est le Ruisseau de l’Anse à Dinan qui se jette dans la Baie.Si la plupart des groupes d’étangs portent un nom, les sommets et mornes, sauf la Vigie, le Pain de Sucre et le Trépied, les plus proches de la ville, n’en possèdent pas.

      Une seule route franchit la partie montueuse de l’île, celle allant de Saint-Pierre à l’Anse à Pierre. C’est une promenade pittoresque. Aussitôt dépassées les dernières maisons de la ville, déjà accrochées au flanc de la montagne, la montée s’amorce par quelques rudes lacets, d’où l’on jouit d’un beau coup d’œil sur l’ensemble de l’agglomération et la rade. La route s’enfonce ensuite dans l’intérieur où règne une solitude complète. Elle se faufile parmi des escarpements rocheux, côtoie des étangs, traverse la forêt naine et des tourbières. Le coup d’œil est sévère et triste, mais non sans un certain charme cependant, surtout en automne, quand la maigre végétation qui croît sur ces étendues rocheuses prend des teintes rouges et dorées.

      La Côte nord et nord-ouest est sauvage et hostile, très escarpée et sans aucune découpure. Une grande cassure, orientée du N.B. au S.O., jalonnée sur toute sa longueur par une importante dénivellation qui forme, entre Saint-Pierre et l’étang de Savoyard, une vallée spacieuse, sépare le district des mornes des terres basses. Ici ce ne sont qu’affleurements rocheux, fourrés de sapins et d’arbrisseaux nains, tourbières et pâturages, entremêlés d’étangs qui ne sont que d’anciennes lagunes. Le Petit Havre et l’étang Boulot, au fond du Barachois, communiquent encore d’ailleurs avec la mer par un étroit chenal. La côte correspondante est naturellement basse, tantôt rocheuse, tantôt bordée de bancs de galets ; elle est très découpée, et pointes et caps se prolongent fort avant sous la mer par des basses et des battures sur lesquelles se brisent les vagues. Ces écueils tels la Pointe Blanche, la Pointe du Diamant, la Pointe de Savoyard, sont cause de nombreux naufrages.

      La ville de Saint-Pierre occupe un emplacement bien abrité dans une échancrure de la côte orientale. Les petites maisons de bois, peintes de couleurs variées, s’étagent sur les pentes qui dominent le Barachois au nord-ouest, et prennent un aspect souriant, sinon riant, quand brille le pâle soleil du Nord. Deux jetées protègent le port, celle de la Pointe au Canon au nord et celle de l’île aux Moules à l’est, mais la ville se prolonge en bordure de la rade vers le cap à l’Aigle, et aussi vers le sud.

      Cette ville qui, avec ses 3.500 habitants, est plutôt un bourg, a sa physionomie particulière. Elle ne ressemble en rien aux petits ports de la côte acadienne ou de la côte terre-neuvienne proches, non plus qu’à un coin quelconque de la Bretagne. Elle s’étire sur un front de mer de 1.500 mètres et compte une soixantaine de rues se coupant à angles droits, mais fort étroites, sans trottoirs et aux maisons alignées d’une façon assez irrégulière. Les chaussées ne sont ni pavées ni goudronnées, mais seulement semées de cailloux.

      La circulation des automobiles légères et des camions, très active, en été, et celle des traîneaux, en hiver, posent de véritables problèmes de circulation et il a fallu établir des  » sens-uniques « !

      La plupart des voies portent des noms d’anciens gouverneurs des îles ; la place de la Liberté, la place Gambetta, la rue Sadi-Carnot font exception et c’est sans doute là la seule ressemblance que Saint-Pierre puisse se trouver avec une quelconque sous-préfecture de France ! D’ailleurs, les habitants ignorent ou dédaignent tous ces noms officiels, ils ne connaissent que leur  » quartier « . La ville est ainsi divisée en sept quartiers de l’Anse à Rodrigue, du Feu Rouge, de la Butte, de l’Abattoir, du Sud, du Port et de la T.S.F.

      Le centre de la ville est le quai de La Roncière, ou plus simplement le Quai, belle artère où se rencontre le  » Tout-Saint-Pierre « , malheureusement gâtée par une vielle forge flanquée d’abominables cheminées et par le malencontreux hôtel de la Poste et de la Douane, au style faux-jurassien complètement dépaysé ici.

      C’est sur le Quai qu’on se porte en foule quand un navire est signalé.

      Malgré le petit nombre d’habitants, l’agglomération est assez étendue, car, sauf dans les rues avoisinant le quai de La Roncière, toutes les maisons sont entourées de jardins où au printemps et au début de l’été les fleurs abondent.

       

    • 3. Les dépendances de l’île Saint-Pierre sEntre Saint-Pierre et l’Ile aux Marins il y a un kilomètre que les embarcations franchissent en un quart d’heure. Cette île, qui mesure 1 kilomètre 600 sur 650 mètres dans ses plus grandes dimensions, protège à l’est la rade de Saint-Pierre. Très basse (le point le plus élevé a quarante mètres d’altitude), l’Ile aux Marins est formée par la juxtaposition de quatre îlots soudés les uns aux autres par des levées de galets. Les habitants cultivent des jardins et ont aménagé des graves pour le séchage de la morue ; ailleurs ce ne sont que prairies et espaces rocailleux et on chercherait en vain dans toute l’île le moindre arbrisseau. La mer ronge peu à peu la côte ouest, mais des apports de galets se forment du côté du large.L’Ile au Massacre, entre Saint-Pierre et l’Ile aux Marins (et qui doit peut-être son nom à un combat entre Français et Anglais au XVIII siècle), l’Ile aux Vainqueurs et l’Ile aux Pigeons, à l’est de l’Ile aux Marins, le Grand Colombier enfin, au nord de l’Ile Saint-Pierre, sont inhabités.Le Grand Colombier, en été, est un lieu d’excursion très apprécié ; on va y cueillir les  » graines  » qui mûrissent à la surface des tourbières. C’est aussi le rendez-vous des chasseurs, car le gibier de mer y abonde. Du sommet de cette île, qui n’est qu’un immense rocher haut de 160 mètres, la vue est magnifique sur l’archipel et aussi sur la côte terre-neuvienne dont on distingue parfaitement à l’œil nu les maisons blanches le long du rivage.Reste l’Ile Verte, objet de contestations internationales. Basse sur l’eau (50 mètres au maximum), entourée d’un cortège d’îlots  » que la moindre houle frange d’écume « , elle gît à environ 7 milles de Saint-Pierre et 7 milles de la péninsule de Burin (Terre-Neuve).Le statut politique de l’Ile Verte n’avait pas été défini par le traité de Paris. Les uns la considéraient comme neutre, les autres comme appartenant mi-partie à la France, mi-partie à l’Angleterre, les autres enfin comme territoire terre-neuvien. En 1908 le gouvernement de Saint-Jean décida de construire un phare et une sirène à brume sur l’Ile Verte. C’était une prise de possession qui souleva un vif émoi dans l’archipel, d’autant plus qu’on soupçonnait les Anglais de se ménager ainsi un excellent poste d’observation pour réprimer la contrebande et les exportations de boëtte.

      Les ministères français des Colonies et des Affaires Etrangères admirent tacitement que l’Ile Verte avait bien été cédée à l’Angleterre en 1713, puis en 1783 en même temps que Terre-Neuve. On peut donc dire que maintenant elle est devenue canadienne.

    • 4. Langlade sLanglade, très bel exemple de pénéplaine ancienne, est une masse tabulaire en fait assez vallonnée, sillonnée de nombreuses rivières au cours assez régulier, qui prennent naissance dans les étangs du centre de l’île principalement autour de la Montagne-Noire. L’eau de ces rivières, bien que limpide, a une coloration brunâtre due à des particules de tourbe qu’elle contient.Toutes ces rivières, comme celles de Miquelon évidemment, sont gelées de décembre à fin mars. Mais en avril, à la fonte des neiges, elles coulent à plein bord et sont difficiles à franchir à cause du courant très violent.Le plus important de ces cours d’eau, la Belle Rivière, serpente dans une vallée charmante, à la végétation exubérante, et dans un site d’une sauvage beauté. Entre le confluent de la Fourche Droite et de la Fourche Gauche (qui forment la Belle Rivière) et l’embouchure du ruisseau des Mâts (célèbre par ses truites), on imagine mal qu’on se trouve au milieu d’une île d’aussi faible étendue (13 kms 500 dans sa plus grande longueur sur 8 kms de largeur moyenne).On peut remonter la Belle Rivière à l’aviron sur une longueur de trois cents mètres depuis l’Anse du Gouvernement, où elle se jette dans l’Atlantique, mais au delà le plus simple est d’entrer dans l’eau. Les rives en effet, tantôt bourbeuses, tantôt rocheuses, sont d’un abord difficile. Aussi est-il prudent, quand on visite l’archipel, de se chausser de grandes bottes de pêcheur.L’embouchure de la Belle Rivière est en partie obstruée par un banc de galets. Elle est cependant suffisamment large et profonde pour constituer un mouillage fréquenté où, chaque samedi, relâche le courrier de Saint-Pierre. C’est là que le gouverneur et les bourgeois du chef-lieu possèdent leurs villas d’été, au milieu des sapins.

      La côte nord de Langlade est assez découpée et possède un grand nombre de criques et de petites baies, au fond occupé par des plages de galets. Partout ailleurs, et surtout au sud-ouest, le littoral est hostile, constitué par de hautes falaises qui s’éboulent sans cesse, battues par la houle et les vents.

    • 5. L’isthme ou dune de Langlade sLes cartes du début du XVIII siècle indiquent que Langlade et Miquelon étaient deux îles nettement séparées ; mais déjà une longue flèche sablonneuse prolongeait Langlade au nord, une autre, Miquelon au sud, s’avançant à la rencontre l’une de l’autre. Peu à peu les apports de sable et de galets ont comblé la passe et depuis 1760 environ une digue naturelle relie les deux îles.Cette  » dune de Langlade « , puisque tel est le nom par laquelle on la désigne communément, a 12 kilomètres de long (depuis le ruisseau de la Mère Durand, à Miquelon, jusqu’à l’étang du Bois-Brûlé, à Langlade) et 250 mètres dans sa plus petite largeur (à 3 kilomètres de Langlade). Il n’est pas rare que la partie centrale, qui est très basse, lors des fortes tempêtes d’automne et d’hiver, soit complètement recouverte par les vagues. Au nord et au sud se sont formées des buttereaux ayant jusqu’à dix mètres de hauteur, bien fixées par des plantes herbacées, telle la rouche, proche parente de l’oyat des dunes du Boulonnais ; ce sont de bon pâturages pour le bétail.L’isthme, dans sa partie nord, est presque entièrement occupé par le Grand Barachois. D’autres étangs, de dimensions plus modestes, d’eau douée parce que n’ayant aucune communication avec la mer, existent ça et là à travers l’isthme.Le promeneur qui erre dans ces parages ne peut manquer de remarquer le nombre considérable d’épaves qui jonchent le bord de la mer, les grèves et les dunes, témoins de fréquents naufrages, principalement dus à la brume. Beaucoup de ces épaves sont fort anciennes, car depuis l’érection des phares du Cap Blanc et de la Pointe Plate, les naufrages ont considérablement diminué. Néanmoins, ce lieu sinistre est encore souvent appelé par les habitants le Cimetière des Navires.Plusieurs fermes, prospères, s’élèvent dans l’isthme, entourées de grands espaces propres à la culture et à l’élevage. Mais aucune route ne traverse la Dune, ne relie par conséquent Langlade à Miquelon. Les habitants font habituellement le trajet à cheval, sans selle ni étriers, en suivant la plage de l’ouest à marée basse.

      A l’est, les bancs de sable proches du goulet du Grand Barachois abritent une colonie de phoques inoffensifs que les Saint-Pierrais, les jours de soleil, viennent aisément tirer.

    • 6. Miquelon sMiquelon, avec ses 11.458 hectares, est la plus grande des terres de l’archipel. Soudée comme on l’a vu, depuis quelque deux cents ans, à Langlade, elle comprend deux parties nettement différenciées et de très inégales grandeurs : au sud du Grand Etang, Miquelon proprement dite ; au nord, en arc de cercle, le Cap qui n’est lui-même qu’une ancienne île rattachée à Miquelon à peu près de la même manière que Langlade.Miquelon proprement dite est une terre ovale dont les plus grandes dimensions sont de 18 kilomètres et demi du sud-est au nord.Au sud s’étend le district des mornes, ensemble d’une douzaine de sommets arrondis, aux formes usées, dont la hauteur varie de 150 à 265 mètres, et qui sont très groupés. Ils sont dénudés et leurs versants ont un aspect chaotique qui leur donne, comme à Saint-Pierre, comme à Langlade, des allures de monts beaucoup plus élevés. La forêt naine couvre certains versants et le fond des ravins. Une plaine côtière occupe l’espace entre la base des mornes et la mer.Entre le district des mornes et le Grand Etang se trouve une plaine tourbeuse, recouverte d’un épais feutrage de mousse, de sphaignes, de carex et de plantes semi-aquatiques où l’on enfonce à mi-jambe, et bosselée de quelques éminences dont la principale est le Chapeau de Miquelon. En été, quand aucune brise ne souffle (ce qui d’ailleurs est rare) et que le soleil chauffe ces tourbières spongieuses; on y est assailli par des nuages de moustiques, de moucherons et de taons qui mettent la peau en sang ! Plusieurs étangs parsèment la plaine, ainsi qu’un certain nombre de ruisseaux. Le plus proche du bourg de Miquelon (qui est privé d’eau courante), descend de la Butte aux Epingles. C’est sur ses bords qu’en été les Miquelonnaises viennent faire leur lessive.Les côtes de Miquelon sont basses, rocheuses à l’ouest, avec des affleurements tourbeux considérables, au nord et à l’est formées par des levées de galets et des apports de sables.

      La presqu’île du Cap ne tient à Miquelon que par la bordure occidentale du Grand Etang qui est très étroite dans sa partie sud (100 mètres de large environ), bordure appelée la Dune de Miquelon. Ce Grand Etang, long de 3 kilomètres pourrait être appelé à jouer un rôle important si l’on se décidait à y installer une base aérienne pour hydravions, comme il en a déjà été question.

      Franchi le Grand Etang, nous sommes dans la plaine de Miquelon ou partie sud du Cap, plaine marécageuse, totalement dépourvue d’arbres et que borne à l’est l’anse de Miquelon, protégée des vents d’ouest par les hauteurs du Cap (Butte aux Berry). C’est sur la côte, en bordure de l’anse, que s’étire tout en longueur et sur plusieurs kilomètres, le bourg de Miquelon. Il est construit sur une côte si basse que, vu du large, il a l’air d’être posé sur l’eau. Il est d’ailleurs à la merci des raz de marée quand la mer démontée, venant de l’ouest, recouvre entièrement de ses lames la plaine de Miquelon !… L’agglomération d’avant 1763, élevée entre le Grand Etang et l’étang du Chapeau, endroit où la côte se relève doucement vers l’intérieur, était beaucoup mieux protégée des coups de mer.

      La centaine de maisons de bois diversement peintes, qui forme le bourg actuel se partage en trois quartiers : l’Anse au nord, la Ville (sic) au centre, avec la très simple église de bois, le presbytère, l’école laïque et l’école catholique, la poste, les magasins, enfin la Pointe au sud. Les habitants de ces quartiers sont respectivement dénommés Lanciers, Villiers ou Villains et Pointus !…

      L’ensemble, avec ses troupeaux d’oies, et de moutons, fait très champêtre, et même plutôt rustique – primitif, car aucun service de voirie ne fonctionne et l’eau courante n’existe pas ; le village ne possède même pas la moindre fontaine ! Inutile, dans ces conditions, de parler d’un confort même lointain. Des puits permettent de recueillir l’eau d’une nappe à peu près douce qui se trouve à quatre mètres de profondeur. La plupart des habitants s’éclairent à l’aide de lampes à pétrole.

      Les routes carrossables sont rares ; il n’existe d’ailleurs à Miquelon qu’une dizaine de voitures automobiles ; en revanche, les attelages de chiens pullulent. Ces chiens, souvent livrés à eux-mêmes et que personne ne se soucie de nourrir, contribuent à mettre beaucoup d’animation dans le bourg. Quand ils sont las, en effet, de chercher les têtes de morues sur les grèves, pour les manger, ils ne se gênent nullement pour donner la chasse à quelque mouton, qu’ils dévorent proprement. Mais cette coutume engendre des batailles homériques accompagnées de hurlements féroces.

      Chaque vendredi arrive le courrier de Saint-Pierre, ce qui constitue la grande distraction hebdomadaire de ces quelque cinq cents pêcheurs-paysans qui vivent en reclus, loin du monde civilisé, loin même de Saint-Pierre avec laquelle ils n’ont que peu de rapports.

      L’archipel se termine au nord par le Cap de Miquelon, éperon rocheux qui s’incurve ,du sud au nord-est. C’est un promontoire long de 6 kilométrés sur 2 de large. Il faut quatre heures de marche pour faire, en été, le tour du promontoire par des sentiers de chasseurs qui longent de près le rebord des falaises. En hiver, cette excursion est impossible à cause des glissades.

      Les dépendances de Miquelon se réduisent à peu de chose ; les Veaux-Marins, à six milles de l’Anse de la Carcasse, rochers où viennent s’ébattre les phoques ; et les Rochers, récifs situés à un mille et demi dans l’est de la Pointe aux Soldats, ordinairement couverts de milliers d’oiseaux de mer.

  • d) Climat sL’archipel de Saint-Pierre et Miquelon, quoique situé sous la même latitude que Nantes, connaît un climat beaucoup plus rigoureux, les conditions climatériques de l’Atlantique nord étant totalement différentes à l’est et à l’ouest, c’est-à-dire en Europe et en Amérique. N’exagérons rien pourtant ; le froid à Saint-Pierre n’est pas plus vif que dans le Jura et les Vosges, l’enneigement plus prolongé que dans les vallées des Alpes, la brume plus épaisse que la fameuse purée de pois londonienne, les tempêtes plus redoutables que celles des côtes de France.
    • 1. Température sLa température de Terre-Neuve et de Saint-Pierre et Miquelon relève du climat maritime et est par conséquent moins basse que celle du climat continental voisin, à même latitude. Mais le vent et l’humidité la rendent assez pénible à supporter, tandis que les hivers canadiens, infiniment plus froids, sont généralement très secs.En janvier et février, qui sont les mois les plus froids, le thermomètre oscille entre -10″ et + 5°. Il descend rarement au-dessous de -15° et remonte parfois à + 8°, ce qui occasionne de brusques dégels accompagnés de verglas.Au printemps, la température se relève lentement, à cause des courants moins glacés qui charrient des morceaux de la banquise en dérive et il faut attendre la mi mai pour voir enfin cesser les gelées nocturnes. A partir de fin juin, le thermomètre oscille entre + 10° et + 20°, montant parfois à + 22° et même + 25°, mais pouvant aussi retomber, rarement, à +7°. Les vagues de chaleur des étés canadiens sont donc inconnues et même aux moments les plus chauds, les nuits sont toujours fraîches.La température baisse graduellement en octobre. En novembre, le froid durcit la surface des tourbières et en décembre, les innombrables étangs d’eau douce gèlent. Ils resteront gelés jusqu’en avril. Ceux d’eau salée, qui communiquent avec la mer, ne sont pris que de janvier à fin mars. Mais la mer elle-même autour de l’archipel ne se prend, que très exceptionnellement. Ce phénomène se produit en moyenne tous les vingt ans et pour une période n’excédant pas quinze jours. En revanche, des icebergs en promenade au moment de la débâcle peuvent s’accumuler contre la côte d’une façon si considérable qu’on les voit à perte de vue.Quelques heures suffisent à cet amoncellement, qui disparaît d’ailleurs avec la même rapidité. Une des caractéristiques essentielles du climat saint-pierrais, ce sont les écarts considérables de la température ; ils peuvent atteindre 10° en vingt-quatre heures. Cela tient essentiellement au régime des vents, très capricieux.
    • 2. Pluie et neige sLes précipitations atmosphériques sont importantes : 1.500 mm. de moyenne annuelle. En gros, il pleut environ 100 jours par an, il neige 50 jours. Les précipitations s’échelonnent sur toute l’annee et on ne distingue guère de période sèche régulière. Les périodes de sécheresse sont rares, mais peuvent durer plusieurs semaines, comme ce fut le cas de mai à août 1937, où il fallut rationner l’eau à Saint-Pierre.Ce sont les vents du sud-est qui amènent les pluies, parfois torrentielles. La neige apparaît en novembre, mais les chutes qui tiennent ne se produisent pas avant la fin de décembre. L’enneigement atteint son maximum en février. Les vents, violents, empêchent toujours la neige de former une couche uniforme. Les endroits exposés restent à nu, mais la neige s’amoncelle, en masses parfois considérables, dans les lieux abrités.Quand soufflent en hiver les vents froids et secs du nord-est au nord-ouest, la neige revêt l’aspect d’une poudre impalpable ; c’est le  » poudrin « , qui pénètre partout, s’insinuant dans les moindres interstices. Pendant une violente tempête de poudrin, on ne distingue absolument rien à quelques mètres. Il règne une obscurité presque complète et ceux qui s’aventurent dehors, même dans les rues de Saint-Pierre, sont complètement aveuglés et s’égarent facilement. Fin mars, la neige d’hiver commence à fondre. Mais au début d’avril se produisent toujours de nouvelles et abondantes chutes qui redonnent à l’archipel un aspect très hivernal. En mai, tombent encore les  » fleurs de mai « , neige légère qui fond très vite. Seuls les ravins profonds dans les bois, conservent alors quelques amas de neige.Des orages, accompagnés de grêle, sont assez fréquents en été. 
    • 3. Vents sLa fréquence du vent est un des traits dominants du climat de l’archipel. Nous avons déjà noté l’extrême variabilité du temps. Cette remarque s’applique naturellement au régime des vents. Il arrive qu’au cours d’une même journée, le vent fasse le tour complet de l’horizon ! Les journées de calme absolu sont rares; elles surviennent surtout en été et sont souvent sans lendemain.Les vents du secteur Ouest sont nettement dominants pendant toute l’annee. Les vents du secteur Sud sont doux et humides, ils amènent la pluie et la brume; ceux du secteur Nord, généralement très violents, sont secs et froids, et amènent le beau temps.Le printemps et l’automne sont les saisons les plus venteuses. C’est alors que surviennent les fortes tempêtes. Les tempêtes d’hiver correspondent à des dépressions allant du Canada vers l’Europe , celles d’été, rares, sont d’origine tropicale.
    • 4. Brume sLa brume est un phénomène assez caractéristique de l’archipel. Elle s’abat parfois sur les îles avec une rapidité déconcertante et disparaît, d’ailleurs, de même. Plus faible en hiver (moyenne horaire mensuelle: 50 en décembre), elle connaît sa plus grande densité au début de l’été (moyenne horaire mensuelle : 300 en juillet). En gros, on compte plus de 100 jours de brume par an.Les habitants distinguent la brume noire, très opaque, la brume blanche, relativement sèche, et la brume pissouse, extrêmement humide.On attribue la fréquence des brumes à Saint-Pierre et Miquelon (comme d’ailleurs à Terre-Neuve) à la proximité du point de rencontre du courant froid de Baffin avec les eaux tièdes du Gulf Stream.
    • 5. Perturbations magnétiques sDes courants telluriques troublent souvent les communications télégraphiques par câbles sous-marins entre l’Europe et l’Amérique, via Saint-Pierre.Ces perturbations magnétiques se traduisent par des aurores boréales du plus magnifique effet, surtout en automne. Elles sont si mobiles en même temps que si variées, avec des instants d’intense clarté, que les Saint-Pierrais leur ont donné le nom de marionnettes !
  • e) Flore sLa végétation de l’archipel est très semblable à celle de Terre-Neuve et du Canada, mais en plus pauvre. Si l’Ile Saint-Pierre a été dénudée par la main de l’homme, et présente aujourd’hui cet aspect désolé qui frappe tant les voyageurs, Langlade, au contraire, faiblement peuplée, conserve toute sa physionomie primitive.Mais, étant donné le climat, la végétation est beaucoup plus tardive qu’en Europe à même latitude. Les prairies ne verdissenf et les bourgeons ne s’ouvrent que dans les derniers jours de mai. Les arbres ne sont couverts de feuilles et les fleurs ne sont pleinement épanouies que dans les derniers jours de juin. Les fleurs blanches des plates-bières, à la surface des tourbières, sont les premières à annoncer le printemps, vers le 15 mai ; les fleurs violet tendre des asters, vers le 15 septembre, marquent la fin de l’été.
    • 1. La forêt sL’archipel a été autrefois beaucoup plus boisé qu’il ne l’est aujourd’hui. Les nombreuses souches que l’on retrouve dans maints endroits, témoignent de l’extension ancienne de la forêt. C’est à Langlade qu’elle est encore le plus dense, dans la plupart des versants des vallées, sur les flancs des montagnes et les escarpements du littoral. Les arbres y atteignent couramment de 10 à 12 mètres ; ce sont surtout des conifères : sapins blancs et sapins traînards, spruces et spruces noirs, pins blancs, pins résineux et pins gris, bois de violon ; mais on trouve aussi des bouleaux, des aulnes ou vergnes, des érables, des noisetiers.Le sous-bois, humide et tourbeux, est constitué par des mousses et de belles fougères.Les grandes tempêtes font d’importants ravages dans la forêt, couchant les arbres qui n’ont pas de racines profondes à causé de la nature spongieuse du sol et de la faible épaisseur de terre végétale qui recouvre le roc.
    • 2. La forêt naine sUn peu partout, on rencontre des lambeaux de forêt naine, curieux type de végétation assez caractéristique de l’archipel. Elle est formée principalement de petits sapins, les brousses, élevés de un à trois mètres au grand maximum au-dessus du sol et qui, à cause de la force du vent) se développent latéralement et peuvent atteindre alors jusqu’à cinq mètres de longueur. Aussi ces sapins, qui poussent très serrés et dont les branches s’entremêlent, se reproduisent-ils souvent par marcottage, formant un tapis épais sur lequel on peut quelquefois s’aventurer.D’autres espèces naines (aulnes, sorbiers, sapins, genévriers et saules rampants), ainsi que de nombreuses fougères, poussent également dans les terrains rocailleux, mais à l’état isolé.
    • 3. La végétation des endroits humides sQuantité de plantes tapissent, au printemps et en été, la surface des tourbières, des terrains marécageux, des étangs. Ici, ce sont des nénuphars à fleurs jaunes et des iris ; là, des mélèzes lilliputiens et des bouleaux minuscules, des fausses bruyères, des graminées et des plantes fourragères qui donnent un foin précieux ; là-bas, des sphaignes de toutes espèces, des joncs, des scirpes, des carex, des sarracénies pourpres, des lichens.La durée de la floraison de chaque espèce est très éphémère, mais la diversité en est si grande que les tourbières sont en fleurs de juin à septembre.
  • f) Faune sException faite des oiseaux migrateurs, la faune de l’archipel est très pauvre.Parmi les oiseaux migrateurs, on met à part les oiseaux de mer, qui sont les plus nombreux : fous de Bassan, petits pingouins, pigeons de mer, bacayères, macreuses, liders, garrots, cacaouites, caves de rorhe, cormorans, goëlands, pétrels, harles, godillons abondent, mais leur chasse n’est pas réglementée et plusieurs espèces sont menacées de disparition.Viennent ensuite, toujours parmi les oiseaux migrateurs, mais qui affectionnent étangs, marais et taillis : les bernaches, outardes et bécassines, pluviers, courlieux, hirondelles de mer, maubèches et ortolans.Les oiseaux non migrateurs sont les bouvreuils, les corbeaux, les buses, les faux-mouchets, les merles rouges, les perdrix des neiges ; ces dernières sont chassées si inconsidérément qu’elles disparaîtront sans doute bientôt.Dans les rivières, on trouve la truite en abondance (pêche : de janvier à septembre), le saumon, l’anguille, l’éperlan.

    A Miquelon et à Langlade, on trouve encore un petit nombre de renards (roux en été, blancs en hiver). Des lièvres, importés d’Acadie en 1860 et en 1881, se sont bien développés (chasse : d’octobre à avril). Parmi les mammifères, citons enfin les rats et les souris, qui sont légion ! La grenouille, introduite à Saint-Pierre vers 1935, paraît s’acclimater.

    Mentionnons les limaces, quelques hélix et limnées, et passons pour finir aux insectes. Le nombre des espèces n’en est pas considérable, mais chacune d’elle est largement représentée, ce qui n’est pas toujours agréable ! Tels sont les moustiques qui bourdonnent parfois en nuages, les guêpes et les taons, ainsi que plusieurs espèces de mouches, en été naturellement. Puis des coléoptères, des libellules, des bourdons, des papillons, des cloportes ou cochons de lait, des scolopendres, des talitres, des araignées.

  • g) Population s
    • 1. Les Indiens sOn ne trouve plus aucun Peau-Rouge à Saint-Pierre et Miquelon. Il n’est même pas possible de dire avec certitude que des Indiens y habitaient à demeure avant l’arrivée des premiers Français. Les Beothuks de Terre-Neuve d’abord, puis, après leur extinction, les Micmacs, leurs successeurs, ne firent dans l’archipel que des incursions temporaires.La dernière visite des Indiens de Terre-Neuve remonte à 1865 ; le gouverneur du territoire les avait autorisés à chasser le loup-marin dans le Grand Barachois.Terre-Neuve ne renferme plus d’ailleurs, à la Baie d’Espoir, qu’une réserve de Micmacs fortement métissés, et ayant perdu toute originalité.
    • 2. Les colons français et leurs descendants sLe fond de la population est basque, avec une forte proportion de Normands et de Bretons. Le plus grand nombre des habitants actuels sont nés sur place et descendent de familles établies là, pour la plupart, depuis plusieurs générations. Les Basques d’origine dominent à Saint-Pierre même, les Normands (principalement du Cotentin) à l’Ile-aux-Marins. Miquelon renferme en outre une appréciable minorité d’origine acadienne, descendants d’Acadiens réfugiés là après le Grand Dérangement (vers 1764). L’apport étranger est négligeable. On le trouve surtout à Saint-Pierre, naturellement. Il est composé principalement de terre-neuviens, puis d’Américains et d’Anglais. Les étrangers sont confondus, dans le langage courant, sous le nom d’  » Anglais  » ! Pourtant, les plus proches voisins sont souvent appelés  » Nioufs  » (abréviation de Newfoundand). Ces terre-neuviens, au nombre de moins de trois cents, sont employés au service du câble anglais, dans les magasins de Saint Pierre ou dans les fermes de Langlade et Miquelon comme manœuvres, dans les familles comme bonnes ou cuisinières. Ces dernières sont plus de deux cents à elles seules ; elles se fixent fréquemment dans l’archipel, s’y marient et se francisent parfaitement.On ne possède pas de recensement avant le XIX siècle. De 1816 à 1907, on peut constater un accroissement régulier de la population. Mais en 1908, à la suite d’une campagne de pêche particulièrement désastreuse, plus du tiers des habitants s’expatria aux Etats-Unis. (Boston New-York), au Canada (Montréal, Québec, Gaspésie, Iles de la Madeleine, Acadie) et en France (Avranches, Granville, Saint-Malo, Dinan).L’archipel ne s’est pas relevé de cette terrible ponction ; depuis, le chiffre de la population est pratiquement stationnaire et ne dépasse guère celui de 1870.Voici d’ailleurs le tableau de ces fluctuations (nb d’habitants) : 
      annees Saint Pierre Ile aux Marins Miquelon et Langlade Total
      1816 600
      1820 800
      1831 1100
      1847 1665
      1848 2130
      1860 2916
      1870 4750
      1880 4916
      1882 4254 54 636 5439
      1887 4744 611 574 5929
      1892 5020 683 544 6247
      1897 5329 594 519 6352
      1902 5385 543 554 6432
      1907 5753 510 505 6768
      1911 3403 363 493 4209
      1931 3464 279 578 4321
      1936 3396 259 520 4175
      1941 3597 264 564 4425
      1945 3663 259 520 4175
      1946 3636 168 550 4354

       

    • 3. L’habitation sIl existe dans l’archipel un style local qui est sensiblement le style ancien de Terre-Neuve et d’Acadie. Ce style est encore abondamment représenté à l’Ile-aux-Marins, dans les villages de l’Ile Saint-Pierre et dans les quartiers périphériques de la ville de Saint-Pierre. En revanche, la route de Savoyard et le centre de la ville sont envahis par des constructions des plus disparates qui ont nettement subi l’influence du Canada moderne.La maison de style acadien, sans parties saillantes, basse, est faite pour résister au vent le plus violent. Etant en bois, elle est parfaitement adaptée au climat humide et froid.Les différentes occupations anglaises ayant eu pour corollaire obligatoire la destruction complète des établissements, aucune maison n’est antérieure à 1817, annee de la réoccupation définitive.La maison saint-pierraise typique est rectangulaire avec un toit à deux pans inclinés d’environ 45°, jamais débordant. Elle comprend le plus généralement un étage, est construite sur fondations en ciment, et renferme une cave basse et, sous le toit, un grenier. Les parois de bois sont doubles, avec une couche d’air intermédiaire, et même triples puisque la cloison extérieure est protégée par des clabords ; ce sont des bardeaux ou lattes disposés horizontalement, taillés en biseau. La partie amincie du clabord, tournée vers le haut, est ainsi protégée par, la base du clabord supérieur qui le chevauche.La plupart des maisons sont peintes de couleurs vives; le vert, le rouge foncé et le jaune dominent, avec un encadrement blanc autour des fenêtres. Chose surprenante, les doubles fenêtres sont très rares, ce qui oblige les habitants à tenir leurs fenêtres presque toujours, même en été, hermétiquement closes ! Absence de persiennes, remplacées par des stores intérieurs. La porte d’entrée est protégée par un tambour, parfois amovible, contre le vent et la neige.

      Les aménagements intérieurs sont confortables, du type canado-américain. Dans les maisons modestes, on accède directement dans la cuisine où trône encore le poêle de cuisine, et sur laquelle s’ouvrent les chambres. Mais dans les habitations plus cossues, le chauffage central est adjoint au poêle de cuisine, et on possède l’eau courante chaude et froide, la salle de bain, la radiophonie. Une seule ombre au tableau : l’éclairage ! La petite usine électrique du chef-lieu ne distribue parcimonieusement le courant que de la tombée de la nuit à minuit ! Mais, grâce aux crédits mis à la disposition du Territoire par le  » Fides « , une importante centrale électrique – qui suffira à tous les besoins domestiques et industriels – est en cours de construction et sera prête à fonctionner dans le courant de 1950.

      Les meubles sont modernes, de fabrication en série, et sont importés du Canada. A Miquelon et à la campagne, les pêcheurs, toujours un peu artisans, fabriquent leurs meubles eux-mêmes.

    • 4. L’alimentation sLes habitants de Saint-Pierre et Miquelon ont une solide réputation de gros mangeurs. D’après les statistiques, elle paraît justifiée ! D’aucuns affirment que les 3.400 citoyens de Saint-Pierre consomment autant qu’une ville métropolitaine de 10.000 âmes. Quoiqu’il en soit,, le chef-lieu compte une maison d’alimentation pour 40 habitants, et les 500 Miquelonnais disposent de dix épiceries.Les ressources alimentaires de l’archipel sont pourtant modestes, quoique variées. Disons tout de suite que, sans trop de peine, l’agriculture et l’élevage pourraient être notoirement développés à Miquelon et à Langlade.La plupart des légumes de France peuvent arriver à maturité et sont cultivés à Saint-Pierre-et-Miquelon ; tous les animaux de nos fermes et basses-cours s’y acclimatent fort bien.La flore sauvage apporte en été un appoint appréciable:  » graines « , surtout pour la préparation des confitures (fraises et plates-bières, mûres, puis myrtilles, framboises, groseilles rouges, enfin pommes des prés, grisettes et graines rouges, sans oublier les cocos d’anis dont on fait une excellente liqueur).Les bois de Langlade renferment des noisetiers. On trouve un peu partout une grande quantité de Champignons comestibles.

      Le spruce sert à faire là bière de spruce, boisson saine et rafraîchissante qui n’est autre que la bière d’épinette des canadiens français. Chaque famille prépare sa ‘propre bière ; on ne la trouve pas dans le commerce. On signale encore des salades et différentes plantes à infusions (thé de Jam, etc.). La faune sauvage, garnit abondamment la table des chasseurs à l’époque de la chasse.

      La viande, et particulièrement celle de bœuf, est la base de l’alimentation. Mais la morue continue à fournir un appoint important. Elle est consommée ordinairement les deux jours maigres de la semaine : mercredi et vendredi. D’autres poissons apparaissent à différentes époques, mais en petit nombre : églefin, capelan, hareng, maquereau, flétan. La mer livre aussi des homards, des crabes, des oursins moules et autres coquillages, tandis que les rivières et étangs sont des réserves de saumons, de truites, d’éperlans et d’anguilles.

      Le reste est produit d’importation : vins, liqueurs, quelques conserves viennent de France ; épicerie, farine, beurre, fromage, légumes, bétail et même poisson, du Canada ; conserves multiples, viandes, café, fruits, des Etats-Unis.

      En fait, le ravitaillement des îles est fort bien assuré et les prix au détail sont en général inférieurs à ceux de France.

      La cuisine est sensiblement la même que dans la métropole, généralement fort bien préparée. La morue est consommée soit fraîche, soit légèrement saupoudrée (un jour ou deux dans le sel). Une bonne manière, fort prisée, de la préparer est d’en faire des boulettes, après l’avoir hachée avec des oignons, et frite.

  • h) Langue sLa langue, parlée à Saint-Pierre et Miquelon est naturellement le français, et un français des plus correct. Il mérite pourtant une mention spéciale à cause des expressions locales dont il est émaillé.C’est d’abord une langue de marins, de sorte que des termes maritimes sont devenus d’un usage courant. On embarque dans son lit quand on va se coucher ; si on s’arrête dans la rue pour un brin de causette, on mouille : vous arrimez des bosses quand vous rangez du charbon dans votre cave. Si vous n’êtes pas gai, vous aurez une figure à vent debout, et si vous êtes très maigre, dam ! vous n’aurez plus que la ralingue !Certains mots, arrivés en droite ligne du XVII ou du XVIII siècle, sont encore quelquefois employés : sailler pour hisser, clavé pour bloqué par les glaces. J’ai mal ès mains (j’ai mal aux mains).D’autres appartiennent franchement aux patois normand, franco-breton ou poitevin : graler (griller), espérer (attendre), virer à la carre (tourner au coin de la rue), à matin (ce matin), etc. Ou encore acadien et franco-canadien : catin (poupée), buttereau (dune), pilot (amas), berry (graine rouge), marionnette (aurore boréale), bluet (myrtille), traine (traineau). Par l’acadien, quelques mots viennent du micmac : doris (embarcation à fond plat), cacaouite et moyac (canards sauvages).L’anglais s’insinue par quelques, mots rares, mais d’un usage constant: truck (camion), gazoline (essence), plug (fusible), switch (prise de courant), mop (faubert), spruce (épicéa), Christmas (Noël), smart (en bonne forme). Quelques mots anglais sont rhabillés à la saint-pierraise : tiaude (de stew, ragoût de morue), doubale (de daugh-ball), poutine (de pudding), tobe (de tub, seau en bois pour le transport du beurre), fournaise (de furnace, appareil de chauffage central), clabords (de clapboards).

    Mais ce qui fait surtout l’originalité du, parler de Saint-Pierre et Miquelon, ce sont les mots et expressions locales qui ne doivent rien qu’au génie des habitants, et qui en font un parler bien différencié dans la nomenclature des dialectes, patois et parlers français. Il serait trop long, dans le cadre de cette étude de nous y appesantir. Disons seulement que si. vous n’êtes pas à la page, vous êtes endaubé dans de la mélasse. Bien pouillé veut dire bien vêtu, chaudement habillé.

    Mauvais que c’est ça ! n’est pas joli, mais vient évidemment en droite ligne de Cornouaille ou du Léon. En revanche, déceptionné, pour déçu, n’est guère recommandable.

II. HISTOIRE s

  • a) L’empire français d’Amérique du Nord sOn sait que la France, au XVII et au XVIII siècles, a possédé en Amérique du Nord un vaste empire colonial.Dans la première décade du XVIII siècle, la Nouvelle-France comprenait cinq pays, ou colonies, ayant chacune son administration propre, à savoir : l’Acadie, Terre-Neuve, le Canada, la Baie d’Hudson et la Louisiane. Antérieurement, des protestants français avaient colonisé la Floride (c’est-à-dire les Etats actuels de Floride, Géorgie et Caroline du Sud), mais les Espagnols les en avaient chassés, sans espoir de retour, en 1568.L’Acadie se composait des provinces canadiennes de Nouvelle-Ecosse, Nouveau-Brunswick, Prince-Edouard et des trois-quarts de l’état du Maine (du fleuve Sainte-Croix au fleuve Kenneber).Terre-Neuve englobait évidemment les îles Saint-Pierre et Miquelon.
  • b) Saint-Pierre et Miquelon des origines au Traité de Paris sOn ne sait exactement quels furent les premiers navigateurs qui abordèrent à Saint-Pierre et Miquelon. Probablement quelques-uns de ces marins ou pêcheurs qui fréquentaient les bancs de Terre-Neuve, Scandinaves dès le XI siècle, Basques au XIV siècle, Normands et Bretons à partir des premières annees du XVI siècle. Parmi les explorateurs, ce fut le Portugais José Alvarez Faguendez qui aborda le premier dans l’archipel, le 21 octobre 1520, jour de la fête de sainte Ursule. En l’honneur de cette dernière, il baptisa ces terres Iles des Onze Mille Vierges ! Mais ce nom, singulier pour une contrée déserte, fit bientôt place à celui d’Iles Saint-Pierre, ainsi que Jacques Cartier les appelle en 1536.Le premier établissement permanent des pêcheurs français à Saint-Pierre date de 1604. En 1696, on éleva un fortin armé de six canons pour défendre l’Etablissement contre les agressions anglaises, ce qui n’empêcha pas une escadre de le détruire en 1702. Vers 1710 la population sédentaire comprenait environ 300 habitants, presque tous Basques. Le traité d’Utrecht ayant, en 1713, cédé Terre-Neuve (et par conséquent Saint-Pierre et Miquelon) à l’Angleterre, ces 300 Basques furent chassés. Ils s’installèrent pour la plupart au Cap Breton (Ile Royale).Le 10 février 1763, le traité signé à Paris entre l’Angleterre, la France et l’Espagne, et qui consacrait l’écroulement de la Nouvelle-France, nous rendait pourtant là souveraineté sur Saint-Pierre et Miquelon et le droit de pêche exclusif sur la côte occidentale de Terre-Neuve, depuis le Cap Saint-Jean jusqu’au Cap Rouge, le French shore.Dans l’esprit du traité, l’archipel devait essentiellement servir à nos marins de port de refuge où ils pour raient être abrités par le pavillon national. Aussi fut-il stipulé que la France ne pourrait y entretenir plus de cinquante hommes de garnison, et que la marine anglaise aurait la liberté d’y exercer un contrôle permanent.
  • c) La reprise de possession en 1763 sLe 1 juillet 1763, le capitaine d’Angeac, ancien officier de Louisbourg, nommé gouverneur des Iles Saint-Pierre et Miquelon, lève à La Rochelle cinquante hommes de troupe et s’embarque sur là flûte royale La Garonne. Trois cents autres personnes, y compris, le personnel administratif, le suivent.Au nom de S.M. Louis XV, il reprend possession de l’archipel. Quoique depuis 1713 le chef-lieu se soit appelé officiellement Bourgway, en fait les Français arrivent dans un désert où se dressent, ça et là, quelques ruines. Tout est à faire. D’Angeac et son monde se mettent courageusement à l’ouvrage. Pour commencer, on campe. II faut tout taire venir de France : bois pour construire les maisons, les cabanes et les échafauds de séchage du poisson, nourriture (farines, lards, légumes secs).Presque aussitôt, des émigrés de 1713 arrivent; chaque jour en voit débarquer des familles entières, ce qui ne facilite guère la tâche de l’administration. Aux Saint-Pierrais revenant de l’Ile Royale s’ajoutent bientôt des Acadiens, et même des Canadiens soucieux de fuir la domination anglaise.D’Angeac, en quelques mois, est entouré de plus de deux mille personnes, sans abri, sans nourriture, qui, par surcroît, n’entendent rien à la pêche, et lui demandent tout !La dame Drouet, sage-femme, étant morte, d’Angeac écrit à Choiseul : Cette, population s’accroît tous les jours dans ce pays, où les femmes sont sujettes à donner deux enfants par couches. La perte de cette matrone et la fécondité des femmes de ce pays m’obligent de vous représenter que son remplacement, Monseigneur, est un mal nécessaire !
  • d) Organisation de la pêche sLe plus urgent était d’organiser la pêche, activité qui devait être vitale pour les habitants. D’Angeac s’y employa avec succès et dès 1768 on pouvait relever avec satisfaction les chiffres suivants : 26.412 quintaux de morue sèche, 69.427 de morue  » verte  » et 330 barriques d’huile de poisson. Le successeur de d’Angeac, le baron de L’Espérance, arrivé en 1773, poursuivit vigoureusement la  » politique de la morue « . Deux ans plus tard, en 1775, les chiffres de 1768 étaient doublés.Les Saint-Pierrais péchaient d’ordinaire à l’aide de chaloupes montées par trois hommes. Naturellement, chaque été ramenait la flotte des  » terre-neuvas « , montée par plus de dix mille matelots, surtout de Granville; qui venaient pêcher le long de la cote de Terre-Neuve, dans les .limites fixées par le traité de Paris. Bien souvent, ces pêcheurs français, par ignorance ou par insouciance, s’aventurèrent dans les eaux interdites, notamment au sud de la grande île, et même abordèrent sur la côte terre-neuvienne pour couper du bois. Hugh Paliser, gouverneur de Terre-Neuve, se montra toujours intraitable dans ces occasions, faisant saisir les contrevenants et détruire leurs installations à terre.Pourtant, Montagué, son successeur, fut plus compréhensif et, un ouragan d’une rare violence ayant aux neuf-dixièmes détruit Saint-Pierre en septembre 1775, autorisa la coupe du bois sur la côte terre-neuvienne proche.
  • e) Quinze ans de colonisation sMalgré la pêche à laquelle se livraient de nombreux habitants, beaucoup restaient inactifs. Il fallait donc subvenir à leurs besoins, et leur entretien coûtait cher au gouvernement. Aussi se vit-on obligé, de 1767 à 1770, d’en faire repasser en France environ un millier.D’Angeac avait tenté, outre la pêche, de développer l’agriculture et. de creuser un port à l’étang du Barachois. Mais il avait échoué et en 1775 on comptait encore 1.500 personnes (des rapatriés, tenaces, étaient revenus qui bénéficiaient de la « ration ». Celle-ci consistait en vingt onces de farine et six onces de lard ou huit de bœuf par jour.)Saint-Pierre prenait figure, avec sa population fixe de 1.250 habitants.On a vu que les rapports avec les Anglais de Terre-Neuve avaient d’abord été froids et même parfois tendus. Si un revirement s’opéra en 1775, c’est que les colonies de la Nouvelle-Angleterre venaient de se révolter. On craignait de voir Saint-Pierre apporter quelque concours aux insurgés. Pourtant, le baron de L’Espérance et ses administrés eurent le souci constant de garder pendant trois ans la plus scrupuleuse neutralité.
  • f) L’abandon de 1778 sMais en 1778, la France ayant officiellement pris parti, pour les futurs Etats-Unis, et la guerre existant entre elle et l’Angleterre, cette dernière décida d’occuper Saint-Pierre et Miquelon. La conquête en fut naturellement des plus faciles, car les cinquante soldats du gouverneur n’avaient guère qu’à s’incliner devant les cinq frégates, portant 142 canons, du commodore Evans, qui mouillèrent devant le chef-lieu le 14 septembre 1778.M. de L’Espérance obtint une capitulation honorable et la petite garnison française s’embarqua le 29. Les habitants s’entassèrent sur une dizaine de bateaux qui les rapatrièrent à La- Rochelle, Saint-Malo, Lorient, Nantes, Cherbourg, Bayonne et Granville.Pendant que les Français abandonnaient ainsi ce sol qui était devenu leur petite patrie, les vainqueurs livraient aux flammes habitations et établissements de pêche: 300 maisons, 120 cabanes, 100 magasins, étables, échafauds de séchage, barques, furent ainsi détruits. Une fois de plus, Saint-Pierre n’existait plus.
  • g) La reprise de possession en 1783 sLes Etats-Unis reconnus indépendants, la paix fut signée à Versailles en 1783 entre la France et l’Angleterre. Une des clauses du traité prévoyait la restitution de Saint-Pierre et Miquelon au roi de France, et cette fois-ci sans restrictions militaires. C’est pourquoi le baron de L’Espérance reparut en rade de Saint-Pierre, avec 70 officiers et fonctionnaires, et une compagnie d’une centaine de soldats.Naturellement, il fallait tout refaire, car Saint-Pierre, comme vingt ans auparavant, était un désert parsemé de ruines. Mais déjà, de partout, les saint-pierrais demandaient à retourner chez eux : seize cent deux du premier coup ! Pour les mêmes raisons qu’en 1763, on dut contingenter l’arrivée des habitants. Seulement 438 hommes furent autorisés à tonner le premier convoi, sans femmes ni enfants. En fait, femmes et enfants partirent tout de même. De sorte que l’administration fut encore débordée. Tout le monde coucha sous la tente (on était au mois d’août), et comme le gouvernement n’avait pas fourni assez de matériel, il fallut ouvrir un crédit de 460.000 livres pour acheter à Boston planches, bardeaux, piquets, briques et chaux.Un an plus tard, avec tous ces matériaux on avait déjà reconstruit au chef-lieu la caserne, la boulangerie, le magasin, l’hôpital, la prison, le corps de garde, le presbytère, la maison de la sage-femme. Bientôt furent achevées la résidence du gouverneur, les maisons de l’ordonnateur, du contrôleur, des officiers, des écrivains et du capitaine du port, puis l’église et la salle d’audience. Sans parler des habitations particulières, tant à Saint-Pierre qu’à Miquelon.Cinq cents nouveaux émigrants arrivèrent de France en 1784. Comme la pêche n’avait pas encore repris, on en était revenu au régime de la ration. Mais il fut arrêté que ce système onéreux, et souvent abusif, prendrait fin en 1787.
  • h) La nouvelle administration française sOn n’attendit pas cette date pour apporter de sérieuses modifications au gouvernement et à l’administration dans un but d’économie. En 1785, en effet, les fonctions de gouverneur et d’ordonnateur furent supprimées. La garnison fut ramenée à 60 hommes, dont le chef devenait commandant des îles, sous l’autorité supérieure du commandant des forces maritimes françaises en Amérique. Celui-ci, qui résidait à Saint-Domingue, devait venir une fois par an inspecter l’archipel et les pêches de Terre-Neuve.De 1785 à 1793, le capitaine d’infanterie Antoine Danseville fut donc, en pratique, gouverneur de Saint-Pierre et Miquelon. Pendant ces huit annees, son souci constant fut d’assurer la nourriture des habitants, en achetant, le plus souvent à Boston, les vivres nécessaires. De 1787 à 1790, il dut se résoudre à faire repasser en France ou aux Antilles un certain nombre de familles dont on ne pouvait réellement plus assurer la subsistance.La pêche n’arrivait pas en effet à nourrir tout le monde, les vaisseaux du roi et des armateurs n’apportaient jamais assez de vivres, les approvisionnements de Boston et de New-York étaient lents à arriver et irréguliers. De plus, s’était établi un mouvement de contrebande de morue terre-neuvienne, profitable aux armateurs et aux négociants qui achetaient à bon compte, mais désastreux pour les pêcheurs saint-pierrais, obligés de baisser leurs prix. Or, les mêmes négociants et armateurs vendaient aux dits pêcheurs ustensiles et agrès à des prix élevés.Puis, à partir de 1788, le sel de Saintonge n’arriva plus et il fallut en commander aux Etats-Unis, d’où une recrudescence de la contrebande. En 1790, on dut acheter des provisions en Espagne et au Portugal. Toutes ces misères créaient dans l’esprit de la population un mécontentement latent qui n’allait pas être sans influence sur les événements révolutionnaires maintenant en marche. 
  • i) La Révolution et ses conséquences sLe 25 septembre 1789, une chaloupe de Saint-Pierre, à l’entrée du Barachois, ayant heurté par mégarde une corvette royale, M. de Fabry, commandant de cette corvette, fit donner de la corde à l’occupant de la chaloupe, un certain Vigneau. Le lendemain, trois à quatre cents personnes, assez excitées, envahirent les appartements de Dumesnil-Ambert, commandant par intérim, et réclamèrent justice. Dumesnil fit comparaître Fabry, en présence de vingt-huit délégués de la population. L’officier s’excusa, disant, ce qui était probablement vrai, qu’il avait pris Vigneau pour un simple matelot (on sait qu’à cette époque les châtiements corporels étaient d’usage courant). Un procès-verbal fut signé et tout rentra dans l’ordre. Ce fut le premier mouvement révolutionnaire à Saint-Pierre et Miquelon.En 1790, la population demanda à M. de Broves, commandant la station navale de Terre-Neuve, la permission de constituer une Assemblée générale, afin de discuter des affaires avec l’administration. Le commandant acquiesça immédiatement à ce désir aussi civilement exprimé. L’Assemblée ne s’occupa guère de politique, mais plutôt de ravitaillement. Aucun député ne fut envoyé à la Constituante, Loyer-Deslandes n’ayant jamais été qu’une espèce de mandataire, d’ailleurs fort peu écouté.Pourtant, quelques jeunes gens et quelques marins, qui vitupéraient à l’envie les aristocrates (dont on aurait été bien en peine de trouver d’odieux échantillons dans tout Saint-Pierre et Miquelon !) tentèrent de secouer cette population laborieuse, qui ne demandait qu’à manger à sa faim. Ils firent naître un Comité des Notables, un Club des Amis de la Constitution, un Comité de Salut Public ; on planta un arbre de la Liberté. La citoyenne Deslandes prononça un discours qui est resté dans les annales de la colonie comme le plus malhonnête et le plus incendiaire. Il en résulta quelques bagarres au cours desquelles, en février 1792, Geneviève Laroche fut tuée.Ce déplorable événement fit l’effet d’une douche froide qui arrêta l’essor des idées nouvelles. Les anciens demandèrent au commandant Danseville de prendre la présidence de l’Assemblée générale. Le commandant, qui était énergique, fit arrêter six hommes et trois femmes, responsables des bagarres, et les fit expulser. Naturellement, à leur arrivée à Brest, ces indésirables se présentèrent comme victimes du despotisme et l’on demanda, d’ailleurs vainement, la destitution du commandant.Cependant l’agitation reprit de plus belle, particulièrement dans les cabarets, surtout à partir d’avril et de mai, avec les matelots saisonniers arrivant de France.

    Quand parvint à Saint-Pierre la nouvelle de la mort de Louis XVI, l’abbé Allain, curé de Miquelon, qui avait refusé de prêter le serment constitutionnel, décida d’émigrer aux Iles de la Madeleine. Plusieurs familles miquelonnaises le suivirent. Elles sont à l’origine du peuplement de ces îles, acadiennes par la géographie, mais qui dépendent aujourd’hui de la province de Québec.

    Tout faisait prévoir une période très agitée, peut-être le retour de violences, quand le 14 mai 1793 l’escadre de l’amiral King, forte de deux vaisseaux de ligne, de trois frégates et de quatre transports de troupes, parut devant Saint-Pierre. Occupation sans résistance. Et voilà nos 1.502 habitants en route pour leur troisième « dérangement ». Comme le dit M. Alfred Martineau, ce fut la fin des idées révolutionnaires à Saint-Pierre et Miquelon.

  • j) Pendant les guerres de l’Empire sCette fois-ci, les Anglais, persuadés sans doute que l’archipel resterait leur propriété, ne détruisirent rien. Au contraire, ils installèrent à Saint-Pierre plusieurs familles terre-neuviennes (dont quelques-unes y sont demeurées après 1816). Et ce fut au tour du contre amiral Richery, le 28 août 1796, de venir ruiner les propriétés de ces nouveaux colons.A la paix d’Amiens, les îles nous ayant été rendues une fois de plus, le Premier Consul les fit réoccuper par le lieutenant de vaisseau Joset, commandant La Surveillante. Comme Saint-Pierre n’existait plus, on songeait à transporter le chef-lieu à Miquelon, on entreprenait des pourparlers avec Boston pour la fourniture de matériaux, on prévoyait le retour des habitants, on… Peine perdue, la guerre ayant repris, les Anglais remirent, la main sur les îles en mars 1803.
  • k) L’époque contemporaine sEnfin, depuis le 25 mai 1816, les Iles de Saint-Pierre et Miquelon n’ont plus cessé d’être françaises. Ce jour-là, Jean Bourilhon, commissaire de la marine, en reprit possession au nom du roi Louis XVIII. Le drapeau français fut hissé  » sur une terre aussi nue que le jour de sa découverte « . C’est assez dire que, une fois de plus, tout était à refaire. Naturellement, on se heurta aux mêmes difficultés que précédemment. Pour commencer, on ne rapatria que cent trente familles, groupant trois cent onze personnes, mais avant la fin de l’annee six cents personnes environ repeuplaient déjà l’archipel, et on dut revenir au système des rations à la charge de l’administration.Pendant plusieurs annees, on eut beaucoup de mal à nourrir la population ; les habitants, qui ne travaillaient que six mois par an, subvenaient difficilement à leurs besoins. Enfin, la paix aidant, l’archipel trouva les assises nécessaires à une économie normale. Les communications devinrent plus rapides, les ravitaillements plus faciles et moins coûteux.Deux fortins furent construits, pour assurer la défense des îles, de 1854 à 1857 : l’un à l’Ile-aux-Chiens (Ile-aux-Marins), l’autre à la Pointe aux Canons.Trois terribles incendies ravagèrent Saint-Pierre en 1865, 1867 et 1875.Cependant, Terre-Neuve ne cessait de regimber contre le fameux droit de pêche exclusif sur le French Shore, qui était une des clauses essentielles des traités successifs franco-anglais. Les gens de la colonie anglaise prétendaient que cette servitude grevait leur patrimoine national au profit des Français. Des atteintes continuelles étaient portées à la lettre et à l’esprit des traités. Lassée, la France finit par abandonner ses droits exclusifs de pêche le 8 avril 1904.

    Quand éclata la première guerre mondiale, Saint-Pierre et Miquelon tinrent à y prendre une part active. Proportionnellement, leur effort fut considérable: plus d’un millier d’hommes, aux noms basques, normands et bretons, servirent sur le front français ; cent dix d’entre eux tombèrent sur nos champs de bataille.

    Trente gouverneurs, commandants ou administrateurs, présidèrent aux destinées de l’archipel de 1816 à 1942. En voici la liste :

    – Jean Bourilhon : 1816-1819
    – Philippe Fayolle : 1819-1825
    – Augustin Borius : 1825-1828
    – Joseph Brue : 1828-1839
    – Louis Mamymeau : 1839-1842
    – Joseph Desrousseaux : 1842-1845
    – Joseph Delècluse : 1845-1850
    – Jacques Gervais : 1850-1859
    – Emile de La Roncière : 1859-1864
    – Pierre Cren : 1864-1873
    – Charles Joubert : 1873-1878
    – Antoine Guien : 1878-1880
    – Comte de Saint-Phalle : 1880-1887
    – Henri, de Lamothe : 1887-1891
    – Paul Feillet : 1891-1895
    – Beauchamp : 1895-1887
    – Paul-Emile Dachin-Sibour : 1897-1900
    – Samary : 1900-1901
    – Jullien : 1901-1905
    – Cousturier : 1905-1906
    – Raphaël Antonetti : 1906-1909
    – Pierre Didelot : 1909-1912
    – Charles Marchand : 1912-1915
    – Ernest Lachat: 1915-1922
    – Jean-Henri Bensch : 1922-1928
    – François Juvanon : 1928-1929
    – Henri Sautot : 1929-1932
    – Georges Chanot : 1932-1933
    – Georges Barrillot : 1933-1937
    – Gilbert de Bournat : 1937-1942.

  • I) La France Libre sDe nouveaux contingents saint-pierrais s’apprêtaient à partir pour la France, quand survint, en juin 1940, la nouvelle de la défaite française. Mais les rudes pêcheurs, habitués à risquer chaque jour leur vie sur leurs fragiles doris, sachant que le combat continuait, par dizaines quittèrent leurs îles clandestinement, pour rejoindre, via Terre-Neuve ou le Canada, les forces françaises libres du général de Gaulle.L’archipel, d’ailleurs, ne pouvait demeurer bien longtemps en dehors de la France combattante. Le 24 décembre 1941, la flotte de l’amiral Muselier, composée des corvettes Mimosa, Alice, Aconit et du sous-marin Surcouf, mouilla en rade de Saint-Pierre. Un jour plus tard, un plébiscite ayant été organisée la population manifesta son désir d’adhérer à la France libre à une énorme majorité. Beaucoup de Saint-Pierrais et de Miquelonnais servirent alors comme matelots à bord des navires de guerre français, jusqu’à la victoire finale. D’autre part, la mobilisation générale fut proclamée le 11 janvier 1944 et très nombreux furent les volontaires qui purent participer à la campagne de France dans l’armée Delattre de Tassigny et, sous les ordres de Leclerc, dans la 2e D.B.Saint-Pierre et Miquelon ont payé leur tribut à la libération de la Métropole et comptent trente morts, dont vingt-trois marins sur les corvettes.Ont gouverné le territoire depuis le ralliement :- A. Savary : 1942-1943
    – Pierre Garrouste : 1943-1946
    – René Marchand : 1946-1947
    – M. Moisset : depuis 1947.

III. ECONOMIE s

 

 

Exportations en Tonnes
Articles et Pays 1938 1947 1948 1949
QUANTITE TOTALE 27 709 12 025 12 752 16 200
Morue sèche 918 2 441 2 544 2 461
Morue verte 3 800 2 879 2 169 4 516
Huile de foie de morue 57 117 164 96
Peaux de renards 785 1 488 613
Matériel et provisions de bord 22 192 6 426 7 739 8 971
Principaux clients
France 21 059 6 458 114 1 393
France Outre-Mer 310 3 680 3 812 2 581
Terre-Neuve 238 17 7
Canada 219 83 146 28
Etats-Unis 69 106 14
Exportations en Valeurs (millions de francs du territoire)
Articles et Pays 1938 1947 1948 1949
VALEUR TOTALE 19.2 170.8 246.5 343.1
Morue sèche 2.1 87.6 134.4 152.7
Morue verte 6.8 57.6 65.3 145.4
Huile de foie de morue 0.09 3.1 6.1 2.6
Peaux de renards 4.9 7.2 3.3
Matériel et provisions de bord 7.9 10.8 23.8 30.3
Principaux clients
France 6.7 11.1 19.7 43.5
France Outre-Mer 0.7 113.3 165.9 157.4
Terre-Neuve 0.7 0.4 0.3
Canada 1.2 0.2 5.9 1.1
Etats-Unis 0.2 2.9 0.7
Importations en Tonnes
Articles et Pays 1938 1947 1948 1949
QUANTITE TOTALE 40 431 22 994 32 677 24 308
Viandes fraîches, salées et conservées 97 134 145 160
Farine de froment 465 397 204 405
Graisses alimentaires 10 68 75 112
Vins 195 233 88 282
Boissons distillées alcoolisées 212 79 60 73
Sucres 233 205 168 162
Sel marin 8 810 4 186 7 258 4 892
Tabacs 19 27 16 19
Houille 25 510 12 965 18 513 11 117
Pétrole et dérivés 1 489 317 1 036 792
Tissus et vêtements 19 73 72 34
Ouvrages et métaux 178 157 200 394
Principaux clients
France 4 552 284 3 743 5 410
France Outre-Mer 1 606 939 182 1 556
Canada 8 038 12 414 24 079 12 554
Autres dépendances britanniques 526 483 63
Etats-Unis 1 795 5 483 660 4 706
Importations en Valeurs (millions de francs du territoire)
Articles et Pays 1938 1947 1948 1949
QUANTITE TOTALE 27.7 128.5 226.4 313.8
Viandes fraîches, salées et conservées 0.8 5.4 9.3 14.3
Farine de froment 1 4 7.3 7.4
Graisses alimentaires 5.5 10.3 13.8
Vins 0.8 7.2 5.2 10.8
Boissons distillées alcoolisées 1 5.9 5.1 7.4
Sucres 0.4 2.2 2.7 2.7
Sel marin 1.4 2.2 5.2 3.5
Tabacs 1.1 4.1 5 5
Houille 5.6 9.1 22.5 15.7
Pétrole et dérivés 1.3 1.8 9.6 9.5
Tissus et vêtements 0.7 10 16.5 12.9
Ouvrages et métaux 2.1 6.9 14.1 37.8
Principaux clients
France 5.1 17.5 29 82.5
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  • a) La pêche sIl est inutile de souligner que l’économie saint-pierraise est presque entièrement tributaire de la pêche et de l’industrie qu’elle entraîne. On peut même dire que la pêche sur les bancs de Terre-Neuve a été la raison même de la fondation de notre établissement.De tout temps, c’est la morue qui a fait vivre Saint-Pierre et Miquelon, sauf pourtant durant la période de la prohibition, que nous étudierons plus loin.Il convient de distinguer la grande pêche, qui se pratique sur les bancs, et la petite pêche ou pêche locale, sur les côtes de Saint-Pierre et Miquelon. Toutes deux sont des pêches industrielles ; seule la seconde nous intéresse présentement, les pêcheurs fréquentant saisonnièrement les bancs étant étrangers à l’archipel et, par conséquent, à son économie.Cette petite pêche ne commence pas avant le début de mai, alors que les chalutiers sont déjà depuis longtemps au travail sur les bancs. Les Saint-Pierrais doivent attendre que les gros coups de vent ne soient plus à craindre et que la température se soit radoucie.La pêche locale se fait en doris ou en wary ; ce sont des embarcations d’origine américaine, mais qui sont maintenant construites sur place. Elles sont à fond plat, afin d’être facilement saillées à terre en cas de mauvaise mer. Le wary est un peu plus stable que le doris. L’un et l’autre, non pontés, ont de six à sept mètres de long et peuvent porter cinq cents kilos de poisson. Deux hommes les montent ordinairement : le patron (propriétaire) et son matelot (associé).

    Aujourd’hui, doris et warys sont pourvus d’un moteur de 3 à 4 chevaux, de provenance américaine.

    La pêche se fait uniquement à la ligne à main. L’appât, appelé boëtte, varie suivant les phases de la campagne, car la morue se lasse vite de mordre toujours au même appât !… On commence par se servir de hareng où de maquereau, puis, en juin et juillet, de capelan, enfin d’encornet, petit céphalopode qui dure de fin juillet à la mi-automne.

    Certaines annees, ces, appâts font plus ou moins défaut. On se rabat alors sur coques, moules, lançons.

    La campagne de pêche se termine avec l’arrivée du mauvais temps et le retour du froid.

    Quand les pêcheurs rentrent au port assez tôt dans l’après-midi, les morues sont livrées aux femmes afin de subir les premières préparations : piquage (le poisson est éventré), décollage (la tête est coupée), tranchage (on enlève l’épine dorsale et on aplatit les deux parties), lavage (à l’eau de mer). Après quoi, les morues sont portées aux saleries, où on les empile après les avoir salées. Au cours de ces manipulations, les déchets ont été jetés, sauf les foies. C’est en pourrissant dans des récipients en fer qu’ils libéreront leur huile.

    La morue qui attend dans les saleries est appelée morue verte. C’est alors que les pêcheurs la vendent aux mareyeurs. Ceux-ci se chargeront de l’exportation, après le séchage.

    C’est l’opération la plus délicate. Après avoir lavé le poisson qui est resté plusieurs semaines dans les saleries, il faut pouvoir disposer de quatre ou cinq soleils : belles journées, ni trop chaudes, ni trop calmes, qui permettent d’étendre les morues sur les graves. Les graves, nous l’avons vu, sont des étendues de galets spécialement aménagées à cet effet. Les jours de séchage ne sont pas consécutifs. Ils sont coupés par des périodes de plusieurs jours pendant lesquels on bâche les morues entassées en piles. Le séchage doit se faire en effet très lentement et l’opération est souvent achevée dans les séchoirs à air chaud de Saint-Pierre ou de Miquelon. Quand les filets de poisson prennent une belle teinte blonde, le séchage est à point. Aujourd’hui, la presque totalité du poisson est séchée par des procédés industriels.

    Normalement, le gain des six mois de campagne doit permettre de vivre à la famille entière du pêcheur pendant toute l’annee. Mais les campagnes, mauvaises ne sont pas rares et, la crise économique actuelle aidant, c’est alors la gêne dans les pauvres foyers.

    Les autres poissons dont il a été question plus haut, et qui servent de boëtte pour capturer la morue, sont aussi péchés pour eux-mêmes, tels le flétan, le hareng, le capelan surtout. Mais aucun d’eux ne donne lieu à une véritable industrie pomme celle de la morue.

    Début 1946, la Direction du Plan de la France d’Outre-Mer avait mis au point un projet d’exploitation en collaboration avec la Société Frigorifique de La Rochelle-La Pallice. D’eux ans plus tard ce projet était abandonné, la participation financière du secteur privé ayant été jugée insuffisante.

    Début 1949, la Direction du Plan reprenait le projet sur de nouvelles bases. Dans ce but, une  » Société d’Etudes  » fut constituée par arrêté ministériel du 23 août 1949. Ses conclusions sont attendues avec quelque impatience par la population des Iles qui fonde de grands espoirs sur la congélation du poisson, car de nombreux frigorifiques, installés sur les côtes de Terre-Neuve et du Canada, fonctionnant depuis plusieurs annees déjà, sont en pleine prospérité.

    Il est à souhaiter, en raison de l’importance capitale que représente la pêche pour l’économie saint-pierraise, qu’une solution intervienne rapidement pour l’utilisation du frigorifique édifié en 1920.

  • b) Le bois sIl serait exagéré de parier d’exploitation forestière. Pourtant, les beaux arbres des vallées de Langlade et de Miquelon sont utilisés assez largement dans l’économie locale. On en fait notamment des lisses et rouleaux pour mettre les doris à la mer, des doris de petites dimensions, des jougs d’attelages de bœufs, des traîneaux. Une scierie fonctionne à la ferme du Petit-Barachois.Mais ce que les habitants demandent surtout aux forêts de l’archipel, ce sont des piquets, de un mètre cinquante à deux mètres, pour construire les clôtures des jardins et prairies. Et puis aussi leur bois de chauffage, naturellement.Malheureusement, les coupes se font d’une manière si inconsidérée et si intensive que, si l’on n’y prend garde, les derniers arbres de l’archipel disparaîtront d’une manière totale à très brève échéance. Il existe bien un règlement interdisant de couper du bois sans autorisation, mais il reste pratiquement lettre morte.
  • c) L’agriculture et l’élevage sL’agriculture et l’élevage jouent tout de même un certain rôle dans l’économie de Saint-Pierre et Miquelon. La plupart des pêcheurs, comme ceux de France d’ailleurs, sont en même temps un peu cultivateurs.
    • 1. Agriculture sPresque tous les légumes de nos jardins viennent fort bien dans les jardins saint-pierrais : pommes de terre, choux énormes de Saint-Pierre, carottes excellentes de Langlade et de Miquelon, navets, chicorées, laitues, haricots, pois, betteraves, poireaux, céleris renommés de l’Ile-aux-Marins, et encore citrouilles, courges, concombres, radis, oignons, aulx, etc. En revanche, tomates et aubergines sont inconnues.On ne peut guère semer avant le milieu de mai. En juin, on récolte déjà les radis et les salades, mais il faut attendre ; le milieu de Juillet, pour voir les jardins produire véritablement. Au milieu d’août arrivent les pommes de terre nouvelles. Sauf violent coup de vent en septembre, les potagers fournissent des légumes jusqu’aux premières gelées d’octobre. Ce que l’on conservera pour l’hiver n’est arraché qu’à ce moment-là.L’archipel est beaucoup moins favorisé pour ce qui est des fruits. On ne peut amener à maturité que les fraises, les framboises, les cassis, les groseilles et les castilles.Mentionnons aussi les fleurs que les habitants font pousser à profusion dans leurs jardins et qui sont un enchantement à l’époque du tardif printemps : mocus, primevères, tulipes, narcisses, œillets, pois Lupin, pieds d’alouette, phlox, lilas, weigelias, églantiers, rosiers, chèvrefeuilles, houblons.

      Quoique certains pêcheurs-jardiniers de l’Ile-aux-Marins produisent assez de légumes pour pouvoir en vendre au chef-lieu, l’archipel est obligé d’en importer chaque annee un gros contingent du Canada.

      Certes, il serait souhaitable de s’affranchir de ces importations, et à plusieurs reprises l’Administration aussi bien que des particuliers ont tenté d’entreprendre la culture maraîchère sur une grande échelle. Mais ces divers essais n’ont jamais été couronnés de succès.

      Dans les six ou sept fermes de Miquelon et de Langlade, on cultive surtout des pommes de terre, des carottes et des betteraves. La plus grande partie des terrains est aménagée en prairies dont on fauche le foin fin juillet.

      L’emploi des engrais chimiques est inconnu ; les fermiers, outre le fumier, se servent de goëmon et de capelans.

      En drainant convenablement le sol et en lui fournissant la chaux qui lui manque, en étendant aussi la superficie des terrains cultivés, les fermes pourraient aisément tripler leur production.

       

    • 2. Animaux de basse-cour et bétail sLa demi-douzaine de fermes du sud de l’Ile Saint-Pierre se consacrent uniquement à l’élevage du bétail: vaches laitières, porcs, moutons, chèvres. Les bêtes de boucherie, importées sur pied des provinces maritimes canadiennes, sont engraissées dans les pâturages de ses fermes.Les fermiers de Miquelon et de Langlade font aussi un peu d’élevage : moutons et porcs, puis volailles, oies surtout, qui sont vendus à Saint-Pierre. Ils y vendent aussi un beurre de très bonne qualité qui est préféré à celui du Canada, de la crème fraîche et des œufs.Beaucoup d’habitants possèdent aussi quelques vaches, porcs ou chèvres, et des basses-cours où l’on trouve toutes nos volailles.Si les chevaux ont à peu près disparu de .l’Ile Saint-Pierre, on les trouve encore en nombre important à Langlade et à Miquelon. Quand on ne leur demande aucun travail, ces chevaux sont laissés en complète liberté, été comme hiver !.. De sorte qu’ils sont parfois a demi-sauvages et il n’est pas rare d’en apercevoir des bandes qui détalent à l’approche de l’homme. Les propriétaires ont souvent des difficultés à les rattraper.
    • 3. Renards argentés sDepuis 1934 l’élevage, du renard-argenté est pratiqué à Saint-Pierre. Les résultats en sont tout à fait encourageants et il y a là certainement une possibilité de grande extension. Le climat des îles convient parfaitement et les fourrures obtenues sont aussi belles que celles du Canada.On compte actuellement quatre ranchs d’élevage dont le principal a plus de 500 pensionnaires.Nombre de peaux de renards argentés vendues de 1943 à 1946 :
      1943 : 121 peaux vendues;
      1944 : 200 peaux vendues;
      1945 : 512 peaux vendues;
      1946 : 465 peaux vendues, pour 5.400.000 francs;
    • d) Renseignements financiers sLe franc qui circule à Saint-Pierre et Miquelon est le franc C.F.A. depuis la réforme monétaire du 26 décembre 1945. Il a paru opportun à cette époque de laisser au territoire le bénéfice d’une situation financière plus saine que celle de la Métropole. La parité du franc C.F.A., fixée d’abord à 1,7 par rapport au franc métropolitain est actuellement de 2. Le privilège de l’émission est dévolu localement à la C.C.F.O.M. (Caisse Centrale de la F.O.M.) depuis le ralliement du territoire à la France Libre. II était auparavant exercé par la Banque de France. Des pièces divisionnaires spéciales de un, deux et cinq-francs sont en circulation dans le territoire depuis le 19 avril 1949 (décret du 30 décembre 1948 et arrêté ministériel du 4 mars 1949).
    • e) Etablissements bancaires et financiers sDeux banques privées sont installées aux Iles Saint-Pierre et Miquelon : la Banque des Iles Saint-Pierre et Miquelon, société anonyme au capital de 125.000 francs; la Banque Pierre Andrieux, société en commandite simple au capital de 6 millions.Elles ne bénéficient d’aucun privilège de la part des pouvoirs publics.Une caisse d’épargne privée a été instituée par le décret du 5 février 1874.Elle est installée à l’Hôtel de Ville de Saint-Pierre. Le maire la préside.Le crédit Maritime Mutuel a été créé par décret le 18 novembre 1932. Son but est de venir en aide aux petits pêcheurs en leur facilitant l’achat du matériel d’armement, des engins de pêche, du combustible, du sel, de l’équipement industriel.
    • f) Le tourisme sRien n’est organisé pour le tourisme à Saint-Pierre et Miquelon ; c’est une question qui, jusqu’à présent, a été à peu près complètement laissée de côté. Et cependant, la plus ancienne terre française d’outre-mer (ce morceau de Terre-Neuve est plus anciennement française que l’Alsace, l’Artois et le Roussillon, le Nivernais, la Flandre et la Franche-Comté, la Lorraine, la Corse et la Savoie, ne l’oublions pas !…) est une terre rêvée pour le tourisme.Nous n’en voulons pour preuve que ces centaines et centaines de Canadiens et d’Américains qui chaque annee, de juillet à octobre, visitent l’archipel. Les Compagnies de navigation canadiennes et anglaises ne manquent pas d’inclure Saint-Pierre parmi les escales de leurs croisières et vantent dans leur prospectus le pittoresque des îles et leur caractère profondément français.Les visiteurs étrangers s’arrêtent donc quelques heures, parcourent la ville, font le tour de l’île en voiture, achètent parfums et liqueurs, gants et bérets basques, et regagnent leur bord. Aucun hôtel important à Saint-Pierre, aucun chalet confortable à Miquelon, à Langlade, n’existe pour les retenir.Avant-guerre, la Compagnie générale transatlantique avait eu l’heureuse idée de comprendre Saint-Pierre, une fois ou deux, dans l’itinéraire de ses croisières d’été. Malheureusement, cela n’a pas été repris.C’est dommage, car du point de vue touristique, Saint-Pierre et Miquelon devraient, aussi, intéresser les Français métropolitains.

      Il faut signaler à Miquelon la route qui relie l’agglomération de Miquelon à la Pointe-au-Cheval, et à Langlade, la route qui réunit l’anse du Gouvernement à la Pointe-Plate. Un tronçon est encore inachevé.

    • g) Au temps de la prohibition sSaint-Pierre et Miquelon ont connu un âge d’or : ce tut au temps de la prohibition, quand les Etats-Unis étaient sous le  » régime sec « . C’est-à-dire de 1920 à 1932 et même 1935. Douze à quinze ans de prospérité incomparable !Admirablement situé entre Terre-Neuve, le Canada et les Etats-Unis, l’archipel a été de tout temps, un précieux point, de ravitaillement pour les contrebandiers des trois pays voisins. On conçoit que ce privilège, si privilège il y a, devait considérablement se trouver renforcé dès l’instant que les Etats-Unis se soumettaient aux rigueurs de la Loi Volstead !Dans l’histoire de l’archipel, ce temps béni restera sous le nom de Temps du Whisky, ou encore Temps de la Fraude. Les Saint-Pierrais profitèrent largement du trafic de l’alcool, d’ailleurs parfaitement licite par rapport aux règlements administratifs français, auquel se livraient les bateaux dits  » fraudeurs  » américains ou canadiens.Avec l’esprit d’organisation qui caractérise toute entreprise américaine, dès le vote de la loi Volstead par le Congrès, les bootleggers installèrent des bases d’opérations à Saint-Martin (Antilles françaises), Nassau (Bahamas), Hamilton (Bermudes), Papeete (Polynésie française), Saint-Jean (Terre-Neuve), Saint-Pierre enfin. Une certaine rivalité opposa ces deux derniers points, finalement ce fut le port français qui l’emporta.Il fallut construire ou aménager des magasins pour entreposer les milliers de caisses de vins fins, de Champagne, d’apéritifs, de cognac, de rhum, de whisky écossais qui affluaient sans cesse. Il fallut ravitailler en vivres et en combustible, éventuellement réparer, l’imposante flotte des rhum-runners.

      L’Administration de son côté prélevait sur chaque caisse transitant par les îles la taxe prévue, minime d’ailleurs, mais le nombre de caisses était tel que des sommes rondelettes tombaient régulièrement dans le trésor.

      La fraude en fait, ne commençait véritablement qu’après le réembarquement pour les Etats-Unis. Et de véritables batailles opposèrent parfois au large rhum-runners et cutters de la douane américaine.

      On peut dire que la population entière profita de ce trafic, soit en trafiquant, soit en se mettant au service des trafiquants qui avaient besoin de beaucoup de personnel. Remarquons toutefois que les commerçants locaux ne surent, ou ne purent devenir les grands maîtres de ce marché. Les plus favorisés d’entre eux ne furent jamais que les agents des grosses compagnies. Ces dernières, qui monopolisèrent l’importation des alcools, étaient de puissantes firmes étrangères appartenant surtout à des Juifs américains.

    • h) Les voies de communication sAvant la guerre, la liaison de France à Saint-Pierre était ainsi assurée : paquebots de la Compagnie générale transatlantique du Havre à New-York ; chemin de fer (trente-deux heures de route), de New-York à Halifax ; vapeur de la Société  » La Morue Française « , des Pêcheurs de Fécamp (trente-six heures de navigation), de Halifax à Saint-Pierre, du 1er janvier au 30 avril.Du 1er mai au 31 décembre, les départs avaient lieu de Sydney et la traversée ne durait que seize heures.De plus, la Morue Française assurait de mars à novembre plusieurs voyages directs de Saint-Pierre à Fécamp, Saint-Malo, Bordeaux, Marseille et Port-de-Bouc.Les liaisons actuelles sont les suivantes :1. Du Havre à New-York, par la Compagnie Générale Transatlantique, puis par paquebots ou chemins de fer pour Halifax, et enfin par navire de la Flotte administrative ( » Le Miquelon « ) assurant la liaison avec Saint-Pierre en 30 heures du 1er janvier au 30 avril. A partir du 1er mai, les départs ont lieu de North-Sydney (traversée, 15 heures.). Liaison aérienne sans horaires fixes entre North-Sydney et Saint Pierre (une heure).

      2. De Paris à Gander (Terre-Neuve) par avion (air France), puis de Gander à Saint-Pierre par avion ou bateau, si l’on prend l’avion Gander-Sydney (Canada).

      3. Deux fois par an (mai et septembre), un libertyship de la Compagnie Générale Transatlantique assure la liaison directe Bordeaux-Saint-Pierre, prenant fret et passagers.

IV. ADMINISTRATION s

  • a) Administration du territoire sLe territoire des Iles Saint-Pierre et Miquelon relève administrativement du ministère de la France d’outre mer. Il appartient à la catégorie juridique des Territoires d’outre-mer. II est administré par un  » Administrateur « , qui prend le titre de  » Chef du Territoire  » et possède les prérogatives de Gouverneur. Il est dépositaire des pouvoirs de la République. Il n’existe pas à Saint-Pierre et Miquelon de secrétaire général. Le Chef du Territoire est assisté d’un Conseil Privé, organe purement consultatif, composé de chefs de service de l’Administration et de personnalités locales, qui l’éclairé de ses avis, sa consultation étant parfois obligatoire.Un décret du 25 octobre 1946 a institué une Assemblée Représentative locale dénommée  » Conseil général « . Elu au suffrage universel, il comprend 14 membres. Ses attributions concernent l’ensemble du patrimoine du territoire : domaine, finances locales et certaines matières réglementaires. Tantôt ses délibérations sont exécutoires de plein droit, sauf contrôle de légalité, tantôt elles doivent être approuvées. Il donne également des avis. Pendant les intersessions du Conseil général, une  » Commission permanente « , élue dans son sein, est dépositaire de certains de ses pouvoirs.Le Territoire est représenté à l’Assemblée Nationale par un député, au Conseil de la République par un sénateur, à l’Assemblée de l’Union Française par un conseiller.
  • b) Organisation communale sUn décret du 13 novembre 1945 a rétabli à Saint-Pierre et Miquelon la division en 2 communes : Commune de Saint-Pierre, commune de Miquelon-Langlade; L’Ile-aux-Marins est rattachée à la commune de Saint-Pierre. Ces communes sont identiques à celles de la Métropole.
  • c) Organisation judiciaire sLa Juridiction administrative locale est un  » Conseil du Contentieux administratif  » composé de un magistrat président (le Président de la Cour d’Appel) et 2 fonctionnaires administratifs.Sa compétence est aménagée de façon différente de celle des Conseils de Préfecture métropolitains en ce sens qu’il a une compétence générale en matière de contentieux local, alors que les Conseils de Préfecture n’ont dans la Métropole qu’une compétence d’attribution. Cependant, en dehors de matières spécialement énumérées, le Conseil d’Etat, juge de droit commun reprend sa compétence dès que l’Etat est partie au procès. D’autre part, le Conseil du Contentieux Administratif relève du Conseil d’Etat par l’appel.L’organisation des juridictions judiciaires comporte : 1 justice de paix, 1 justice de paix à compétence étendue, 1 tribunal d’appel, dont une formation spéciale joue le rôle de juridiction d’annulation.
  • d) Services publics sLes services publics représentés à Saint-Pierre et Miquelon sont au nombre de neuf, à savoir :Le Trésor ;
    Les Douanes ;
    La Santé;
    Les Travaux publics ;
    L’Enseignement;
    Les P. T. T. ;
    L’Inscription maritime ;
    L’Agriculture et la Pêche ;
    La Main-d’œuvre et le chômage.
  • e) Administration religieuse sLa quasi, totalité des habitants de Saint-Pierre et Miquelon professent la religion catholique. Le territoire constitue une préfecture apostolique confiée aux Pères du Saint-Esprit.Sept Pères se répartissent dans les trois paroisses du vicariat : Saint-Pierre, Ile-aux-Marins et Miquelon. La Congrégation de Saint-Joseph de Cluny possède une maison qui compte une trentaine de Sœurs.
  • f) L’Enseignement sLes seuls établissements d’enseignement sont des établissements primaires publics et privés, qui groupent environ 1.100 élèves (500 dans les écoles publiques, 600 dans les écoles privées).
    • 1. Ecoles publiques sElles sont au nombre de quatre :
      – l’école des garçons de Saint-Pierre, avec cours complémentaire en annexe ;- l’école des filles de Saint-Pierre;
      – l’école mixte de l’Ile-aux-Marins;
      – l’école mixte de Miquelon.Ces quatre écoles comprennent dix-huit classes où l’enseignement est donné par un instituteur métropolitain et dix-huit instituteurs locaux.
    • 2. Ecoles privées sElles sont au nombre de trois :- Le collège Saint-Christophe ;
      – Le pensionnat Saint-Louis-de-Gonzague ;
      – L’école Sainte-Croisine, avec un cours complémentaire et un cours d’enseignement ménager.Ces trois écoles comprennent vingt’ classes où l’enseignement est donné par vingt-cinq maîtres religieux ou laïcs, dont douze métropolitains et treize locaux.
    • 3. Enseignement technique et secondaire sIl existe en outre à Saint-Pierre un atelier de tissage relevant du Service de la main-d’œuvre et du chômage, et comprenant quinze filles. Aucun établissement ne donne l’enseignement secondaire. Des bourses sont allouées par l’administration pour envoyer quelques élèves en France afin d’y poursuivre leurs études. Avant la guerre, beaucoup se rendaient au Canada dans ce but. Ils sont très peu nombreux aujourd’hui, à cause de la difficulté qu’il y a à se procurer des devises étrangères. En 1949, les écoles publiques ont émargé au budget pour une somme de 6.830.520 francs C.F.A. (soit 4.728.520 pour traitement du personnel et 2.102.000 pour dépenses de matériel). De leur côté, les écoles privées ont été aidées par une subvention publique de 1.900.000 francs C.F.A.

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