06/04/1969 : Charles L

Le « Charles L » était une petite goélette qui appartenait à l’armement Petite and Son C0 de English Harbour Ouest, un petit port de la côte sud-ouest de Terre-Neuve. Construit aux environs de 1920, il avait navigué sur les côtes canadienne et américaine pendant toute la période de la prohibition. Au début de l’annee 1969, il fut vendu à un groupe constitué de producteurs de télévision de la ville de Toronto, Canada.

Les nouveaux propriétaires prirent possession du « Charles L » au début du mois d’avril 1969. Ils le rebaptisèrent « Amarantine ». A l’aube du 6 avril le « Charles L » quitta le port de English Harbour en direction de Sydney où le bateau devait être réparé et transformé en yacht. Il y avait à son bord les deux frères du nouveau propriétaire, une jeune femme et un jeune élève officier de la base des Coast-Guard de Sydney, nommé Mac C. Purney. Cet équipage manquait totalement d’expérience.

Quand la voie d’eau se déclara, ils ne réalisèrent pas la situation dangereuse où ils se trouvaient. Et pourtant ils avaient pris connaissance du phare de Miquelon ce qui aurait du les inciter à chercher refuge dans cette localité. Ils avaient aperçu à plusieurs reprises le phare de l’île Verte, qui leur permettait de chercher abri dans la rade ou le port de Saint-Pierre. Malgré cela ils continuèrent leur route sur une mer déjà houleuse, avec des vents contraires et une mauvaise visibilité. La voie d’eau alla en s’amplifiant à tel point que les trois hommes furent obligés à tour de rôle de pomper vingt minutes par heure. De plus une assez forte tempête du sud-ouest s’amorçait et la visibilité était réduite à sa plus simple expression.

Enfin l’équipage réalisa que vouloir continuer le voyage équivalait à de la démence et décida de chercher abri dans le port de Saint-Pierre. Dans cette nuit noire avec un bateau qui avait une importante voie d’eau et un équipage non chevronné, c’était presque une gageure. Leur point estimé étant entaché d’erreur, la route qu’ils suivirent les mena tout droit sur les rochers de la Pointe de Savoyard, un des points les plus dangereux de la côte occidentale de l’île de Saint-Pierre.

En pleine nuit le bateau monta sur les rochers qui l’éventrèrent rapidement. L’équipage sauta à terre dans les secondes qui suivirent l’échouage. Une vague énorme empoigna le jeune élève officier qui fut vraisemblablement assommé et qui ne reparut pas. La même vague fit tomber à la mer la jeune femme qui aurait subi le même sort si un de ses compagnons ne l’avait attrapée par les cheveux et ramené sur la terre ferme. La jeune femme et ses deux compagnons d’infortune escaladèrent les gros rochers et réussirent à atteindre le talus ou ils se mirent un peu à l’abri d’un gros rocher. Toute la nuit ils errèrent aux environs avec l’espoir de voir apparaître leur jeune compagnon. Hélas, il ne revint jamais. A l’aube du lendemain, les trois infortunés, transis et très exténués, rencontrèrent un chasseur Monsieur Robert Puyol qui les fit monter dans son automobile et les ramena au plus vite dans un hôtel où ils furent réconfortés et hébergés.

Pour perpétuer la mémoire du jeune élève officier canadien, la base des CoastGuard de Sydney a fait ériger sur la falaise qui surplombe le lieu du naufrage une stèle relatant ce naufrage et précisant la fin tragique d’une jeune officier canadien plein d’avenir. Cette stèle fut inaugurée le 17 avril 1970, à la mémoire de l’élève officier Mac C. Purney, en présence du Gouverneur du Territoire, Monseigneur Maurer, l’Administrateur des Affaires Maritimes, un peloton d’élèves officiers canadiens et un peloton de la Gendarmerie de Saint-Pierre, ainsi que quelques personnes du monde maritime.

17/01/1965 : Bosworth

Photo. Michel Briand-Ozon
Photo. Bruce Dale

Le 14 janvier 1965, le cargo canadien « Bosworth » quittait un port de Terre-Neuve pour le port de Sydney où il allait chercher une cargaison de 1,000 tonnes de charbon pour le port de Bonavista – Terre-Neuve.

Dès la sortie du port, le « Bosworth » rencontra des vents d’ouest d’une extrême violence qui durèrent trois jours. Quand le bateau arriva à Sydney, l’équipage était rendu au dernier stade de l’épuisement. Le navire avait du retard sur son horaire et dès qu’il fut arrivé au port il prit sa cargaison en quelques heures. L’équipage n’eut pas le temps de récupérer, le jour même le « Bosworth » reprenait la mer. Cette fatigue excessive de l’équipage d’une part et la rapidité avec laquelle le navire avait été chargé, d’autre part, sont vraisemblablement liés avec la suite des événements concernant ce bateau.

Le 17 janvier il y eut une violente tempête et le « Bosworth » lourdement chargé fatiguait beaucoup. Une importante voie d’eau se déclara et les pompes furent mises en route. Très peu de temps après, la poussière de charbon boucha les crépines des pompes et la cargaison en se déplaçant dans la cale provoqua une forte gîte. A partir de ce moment, le capitaine eut les plus vives inquiétudes et il était convaincu que son pauvre bateau ne tiendrait pas longtemps. Etant parvenu à l’entrée de la passe sud-est de l’Ile de Saint-Pierre, le capitaine pensa que la meilleure chance de sauver son navire était de l’échouer à un endroit propice à un éventuel renflouement. Il échoua donc son bateau sur la grève à l’intérieur de la pointe du Cap Noir.

L’équipage de neuf hommes, qui fut aidé par un grand nombre de Saint-Pierrais réussit à se sauver avec d’assez grandes difficultés.

Quelques jours se passèrent sans trop de dommages pour le bateau échoué sur la grève. Cependant le vent vint à souffler du large, amenant une forte houle qui défonça la coque du vapeur. Le charbon sortit du bateau et se propagea sur une grande partie du littoral. Certaines personnes au prix de grands efforts réussirent à en récupérer une assez grande quantité qui fut très appréciée pendant les mois d’hiver.

De nos jours, les promeneurs qui fréquentent la route de Galantry peuvent voir encore les vestiges de ferraille, seuls souvenirs de la coque du cargo « Bosworth ».

21/12/1963 : Douala

Quelques heures après le naufrage de la goélette « Mary-Pauline », un autre bateau se trouvait en difficulté au large de nos côtes. Il s’agissait du cargo français « Douala » de 2,333 tonnes de la Compagnie de Navigation Fressinet et Cyprien Fabre, de Marseille. A cette date, ce navire n’aurait pas dû se trouver dans ces parages, mais par suite de son trop long séjour dans la région des grands lacs canadiens, le navire avait un mois de retard sur son horaire. D’après les renseignements recueillis après le naufrage il ressort que le commandant du « Douala » était un marin habitué à naviguer dans les mers tropicales et ses connaissances de l’Atlantique nord en hiver étaient très faibles. Dès le début de l’effroyable tempête il eut de graves avaries à cause de sa trop grande vitesse. La perte de ses panneaux de cale en était un signe certain. La cargaison se composait en partie de grains et de diverses marchandises. Quand les panneaux de cale furent enlevés, les pompes ne purent étaler l’entrée de l’eau. De plus, le grain boucha les crépines des pompes et certainement ce fut un des facteurs déterminant la perte du navire. Immédiatement après la réception des messages de détresse lancés par le « Douala », de très grands moyens furent employés tant par des bateaux que par des avions. Un de ces avions signala que les vagues avaient une hauteur de 22 mètres. De plus la température était de l’ordre de – 15° Celsius.

Un bateau canadien, le « Sir Humphrey-Gilbert » et deux bateaux français du port de Saint-Pierre, le « Rodrigue » et le « Langlade » commencèrent les recherches pour tenter de retrouver les 29 hommes qui se trouvaient dans deux chaloupes. Mais dans une mer aussi démontée c’était ce qu’on appelle « chercher une aiguille dans une botte de foin ».

Toute la journée et toute la nuit suivantes, malgré les grains de neige qui rendaient la visibilité nulle, les courageux bateaux continuèrent leurs recherches et leur veille dans des conditions très dures. Le 22 décembre vers 3 h 45, le « Rodrigue », commandé par Gérard Detcheverry, dont le radar était en panne, patrouillait à une vitesse de trois nœuds, le cap au 260. Soudain, entre deux grains de neige, une fusée rouge fut aperçue très bas sur l’horizon. Quelques minutes plus tard deux autres fusées de même couleur furent aperçues de nouveau par le « Rodrigue ».

Le chalutier diminua de vitesse en se dirigeant dans la direction où les fusees avaient été aperçues. Le capitaine du « Rodrigue » lança immédiatement un appel à tous les navires et à toutes les stations à l’écoute. Plusieurs bateaux accusèrent réception du message ainsi que les bases aériennes de Terre-Neuve qui avisèrent le « Rodrigue » que les avions se préparaient à se rendre à la position signalée.

Les recherches continuèrent inlassablement mais vainement. Quand le jour vint, la visibilité était nettement meilleure que la veille, mais hélas les équipages des bateaux sauveteurs n’apercevaient rien à la surface de la mer. Plusieurs navires rallièrent le chalutier, en particulier le « Sir Humphrey-Gilbert » appartenant au « Canadian Department of Transport », qui s’entretint en phonie avec le « Rodrigue ». Les avions arrivèrent sur les lieux et commencèrent méthodiquement à décrire des cercles en fouillant la mer à très basse altitude. Toute la matinée se passa en recherches sans apercevoir la moindre épave. A 13 heures l’avion coastguard 1347 indiqua en phonie qu’il venait de repérer une épave à 6 milles dans le sud. Le « Sir-Humphrey-Gilbert » qui était le plus près de la position indiquée fonça dans cette direction. Quelques minutes plus tard ce bateau signalait qu’il venait de recueillir quinze survivants d’une baleinière du « Douala ». Le capitaine du bateau donna ordre de mettre le long du bord plusieurs filins pour permettre de monter à bord, mais les pauvres malheureux étaient tellement extenués qu’ils n’y arrivaient pas. Durant cette opération deux hommes furent écrasés entre la baleinière et le bateau sauveteur. Quand les rescapés furent à bord, le capitaine signala que l’état des naufragés l’obligeait à regagner Port aux Basques de toute urgence où les rescapés recevraient tous les soins que nécessitait leur état.

L’avion 1347 demanda au « Rodrigue » de se diriger vers la chaloupe car il y avait encore deux cadavres à bord. Le chalutier recueillit les deux corps puis il embarqua la chaloupe sur son pont.

Les avions et les autres bateaux continuaient toujours les recherches pour retrouver la seconde chaloupe. Vers 16 heures l’avion 1347 appela en phonie le « Langlade » commandé par un autre Saint-Pierrais, Pierre Albert Fouchard, et lui signala qu’il venait de repérer une épave dont il lui indiqua la position. Le « Langlade » força sa vitesse et au bout d’un moment aperçut une chaloupe. En arrivant près de l’embarcation, l’équipage du « Langlade » constata qu’il y avait trois hommes dans la chaloupe: un était mort et les deux autres qui vivaient encore étaient dans un tel état que leur sauvetage devait être effectué de toute urgence. Le capitaine du « Langlade » en marin expérimenté se rendit compte immédiatement que son bateau, qui était muni d’une « ceinture » et qui roulait énormément, ne lui permettait pas de procéder à un sauvetage rapide des deux hommes; il demanda au « Rodrigue » de venir de toute urgence.

Le chalutier, tel un bon chien de Terre-Neuve, fonça une fois de plus et recueillit les deux malheureux qui n’auraient pas survécu longtemps. Le cadavre fut embarqué à bord du « Rodrigue » et les deux bateaux mirent en route à toute vitesse pour rallier Saint-Pierre.

Les deux rescapés furent soignés et réconfortés à bord du « Rodrigue » et au bout de quelques minutes ils purent prononcer quelques mots. C’est alors que le drame apparut dans toute son horreur.

Les deux rescapés expliquèrent qu’au moment de quitter le bord dans la seconde chaloupe où avaient pris place douze hommes, le croc d’un des palans se décrocha. La chaloupe suspendue par un seul palan vint à la verticale, se vida en précipitant les occupants à la mer. Trois purent se maintenir dans la chaloupe qui, libérée de son palan, s’écarta, à demi immergée, du bateau qui s’enfonçait.

Les deux bateaux arrivèrent à Saint-Pierre le 23 décembre vers deux heures du matin. Ce n’est qu’après l’arrivée au quai que l’un des cadavres put être identifié. Il s’agissait d’un jeune Saint-Pierrais de 27 ans, Michel Roulet, brillant officier, Capitaine de la Marine Marchande, qui occupait à bord du « Douala » la fonction de second-lieutenant.

Les quinze autres rescapés évacués sur Port-aux-Basques étaient en bonne santé. Parmi eux se trouvait un jeune Saint-Pierrais, Etienne Rebmann. Les deux autres rescapés furent soignés à l’hôpital de Saint-Pierre et aux dernières nouvelles leur état de santé ne causait pas d’inquiétude, encore que pour l’un d’eux, il faudra peut-être pratiquer une amputation. Voici le bilan de ce drame de la mer: sur un équipage de 29 hommes, il y eut 17 survivants, 12 hommes sont morts ou disparus parmi lesquels:
le Commandant, l’Officier en second, le 1er Lieutenant, le 2ème Lieutenant, l’élève officier, l’Officier radio, le 3ème Mécanicien, le Cuisinier, l’aide de cuisine et trois membres de l’équipage.

Les avions et tous les bateaux qui participèrent aux recherches effectuèrent un travail splendide au prix de difficultés inouïes. Les deux bateaux de Saint-Pierre se distinguèrent particulièrement, ce qui leur valut d’être félicités et remerciés par Monsieur le Ministre de la France d’Outre-Mer et par Monsieur Morin, Secrétaire général à la Marine Marchande, dans des télégrammes adressés è Monsieur Jacques Henry, Gouverneur des îles Saint-Pierre et Miquelon.

19/12/1963 : Mary-Pauline

Une vieille goélette bien connue dans nos îles, appartenant à la société Piers Fudge de CornerBrook, Terre-Neuve, se trouvait le 19 décembre au large de Saint Pierre au milieu d’une terrible tempête qui n’avait pas été annoncée dans les bulletins météorologiques.

A sept heures du soir, le « Mary-Pauline » envoya un message radio ainsi conçu : Du « Mary-Pauline » capitaine blessé, avons une navigation difficile. Demandons de l’aide.

Ce message désespéré fut entendu par le « Nina Corkum » appartenant à G.B. Foote de Grand-Bank. Ce navire qui était un bateau similaire du « Mary-Pauline » était au port, n’ayant aucun intérêt à se trouver en mer avec un temps pareil. Sitôt la réception du message, répondant à cette vieille tradition d’assistance à la mer, à ceux qui sont en danger, le « Nina Corkum » sortit du port ainsi qu’un chalutier appartenant à Fishery Products, le « Zeta ». Ni l’un ni l’autre ne purent approcher d’assez près le « Mary-Pauline ». Une personne embarquée à bord du « Zeta » décrit cette scène en disant: « que la mer était semblable à des montagnes liquides ». La neige propulsée par un vent terrible volait horizontalement et la visibilité était absolument nulle. Les témoins à bord du « Nina Corkum » et du « Zeta » virent les hommes du « Mary-Pauline » embarquer dans deux doris qui étaient le long du bord et ils pensèrent à ce moment que les hommes pourraient être sauvés.

Mais une vague gigantesque déferla sur le bateau, fit chavirer les deux doris et précipita les malheureux qui hurlèrent de terreur en tombant dans l’eau glacée. Un seul homme réussit à saisir un filin lancé par le « Zeta » et put être sauvé. Les six autres disparurent sous les yeux épouvantés des témoins des deux autres bateaux. Deux jours après cette nouvelle tragédie un corps fut retrouvé sur la grève de la côte ouest de Miquelon. Le même jour à une petite distance, sur la même grève, le corps sans tête du capitaine John Mills, fut également retrouvé.

30/09/1963 : Bahia Nuestra Senora

Le chalutier de 42 mètres « Bahia Nuestra Senora » était un chalutier de grande pêche construit aux chantiers de Vigo (Espagne). Il appartenait à une Société de pêche de Pasajes, un petit port situé sur la côte occidentale de l’Espagne.

Les pêcheurs espagnols pêchent sur les Bancs de Terre-Neuve depuis près de 400 ans et ils fréquentent nos côtes depuis la même époque. Les Espagnols utilisent une méthode de pêche qui leur est propre. Les Saint-Pierrais les désignent sous le vocable « Les Boeufs ». Cette méthode consite à trainer en tandem un énorme filet. Le jour de la collisions, le Bahia Nuestra Senora et son frère jumeau se trouvaient sur les lieux de pêche au Banc de Saint Pierre par une journée brumeuse avec un visibilité très réduite.

Le cargo grec « Rithne » se trouvait dans les parages, en route pour l’Europe. Ce bateau, qui ne soupçonnait pas la présence des deux chalutiers espagnols, était en route libre, c’est à dire en pleine vitesse.
Il aperçut très tardivement un des deux bateaux et par un habile coup de barre, réussit à l’éviter. Mais ce coup de barre fut fatal au second chalutier. Le cargo grec heurta de plein fouet le petit chalutier qui fut presque coupé en deux. C’est presque miraculeux que l’équipage espagnol ait réussi à se sauver. Les méfaits de cette collision étaient multiples car le bateau coulé était un navire neuf et de plus il avait dans sa cale 400 tonnes de morue salée, ce qui représentait pour les pauvres marins espagnols la perte d’une somme importante destinée à nourrir leurs familles.

26/12/1962 : Mary Wiscombe

Par une aveuglante tempête de neige, le schooner terre-neuvien Mary Wiscombe se jeta sur le rivage à Cap Coupé, au pied des falaises rocheuses de Langlade. L’absence totale de visibilité, la force de la tempête et l’impossibilité pour le navire de maintenir son cap furent les raisons du naufrage. Il était parti de Fortune le même après-midi, en direction de North Sydney, en Nouvelle Ecosse. Ecoutant la météo de sept heures du soir, il enregistra des prévisions de fort vent de sud-est avec des vitesses de 35, 40 nœuds. La mer était très dure et la visibilité presque nulle, ce qui amena le capitaine William Fawrell à mettre le cap sur Saint Pierre pour y trouver un havre sûr. Une demi-heure plus tard, un bruit de tôle écrasée se faisait entendre et le capitaine comprit que son gouvernail avait été brisé. Le schooner était solidement accroché aux rocs à peu de distance de la terre. Le doris mis à la mer par l’équipage ne résista que quelques secondes à la violence des vagues. Une autre vague plus puissante porta le Wiscombe encore plus haut sur le rivage;

« ce qui permit aux hommes et à moi-même de quitter le bord en sautant de rochers en rochers. Deux de mes hommes glissèrent et tombèrent à la mer qui les entraîna sous la coque du navire. Je fus assez heureux de pouvoir les repêcher tous les deux et de les ramener sur la terre ferme.

Tous les cinq nous avons fait l’ascension de la falaise et nous nous sommes dirigés vers les bois ou nous avons passé la nuit. Nous étions tous trempés. Au cours de la nuit il est tombé de la pluie, de la neige et il a gelé. Le lendemain à l’aube, j’ai décidé que nous tenterions de gagner le Phare de la Pointe Plate. Albert Hillier qui était tombé à l’eau, souffrait beaucoup de la jambe et n’était pas capable d’effectuer une si longue marche. Il en était de même de George Brushett. Tous deux sont restés dans le bois à attendre que nous puissions revenir avec du secours. Thomas Walsh, Charlie Scott et moi-même, nous sommes partis pour Pointe Plate. Nous avons traversé un petit ruisseau. Après une marche très épuisante de dix heures, nous avons découvert une petite cabane. Charlie Scott qui était complètement exténué, est mort très peu de temps après être entré dans la cabane. Nous avons réussi à faire un feu et nous avons trouvé du café et du sucre. Nous avons passé la nuit dans la cabane. Le lendemain matin 28 décembre, nous avons pris la décision de continuer en direction de la Pointe Plate. Finalement nous sommes arrivés le lendemain après-midi à trois heures chez les gardiens du phare après avoir marché pendant sept heures. A la Pointe Plate nous avons été accueilles charitablement par les gardiens qui nous ont réconfortés et nous ont donné a manger. Immédiatement ils ont avisé Saint-Pierre en téléphonie, du naufrage. A six heures du soir la même journée, le M/V « MIQUELON » est arrivé à Pointe Plate pour nous chercher, Thomas Walsh et moi-même et nous a ramenés à Saint-Pierre. En même temps le petit bateau « Saint-Fugene » est allé récupérer le corps de Charlie Scott pour le ramener à Saint-Pierre.

Je conclus ce rapport en déclarant que mon bateau le « Mary-Wiscombe » doit être considéré comme une perte totale.

Saint-Pierre 29 décembre l962. William Fawrell.

Les corps de Albert Hillier et de George Brushett furent retrouvés dans les bois par une équipe de Saint-Pierrais parmi lesquels se trouvaient les frères Vigneau.

30/10/1962 : Galantry

 

L’annee 1962 qui avait commencé par un désastre pour la Société de Pêche et de Congélation, se termina par la perte d’un autre chalutier. C’était le plus ancien chalutier de la flottille Saint-Pierraise qui fut construit en Hollande en 1954. Il était en excellent état de navigabilité. Il était un peu plus court que les autres bateaux mais il pêchait avec une grande facilité.

Le 30 octobre, le chalutier était en pêche sur les Bancs de Terre-Neuve. Au moment où il virait une des deux lourdes portes qui permettent l’ouverture du chalut, cette porte vint frapper avec une grande violence la coque un peu au-dessous de la flottaison. Ce choc provoqua un trou où l’eau s’engouffra et commença à inonder l’intérieur. Pendant quelques temps, les pompes purent contrôler le niveau de l’eau, mais bientôt la chambre des machines fut envahis, mettant les deux moteurs et les pompes hors d’état. Le Galantry sombrait.

Au premier signe d’avarie, le capitaine lança un S.O.S. général signalant qu’il était en train de couler. L’équipage était terrifié, car huit mois à peine s’étaient écoulés depuis la disparition du Ravenel. Heureusement, le Galantry resta à flot assez longtemps pour permettre à l’équipage d’être recueilli par un chalutier canadien arrivé sur les lieux.

Ce ne fut que quelques instants après le sauvetage que le navire glissa doucement dans les eaux vert sombre des profondeurs océaniques.

30/01/1962 : Ravenel

Le « Ravenel » était un chalutier de grande pêche appartenant également à la Société de Pêche et de Congélation de Saint-Pierre. Il fut construit en 1961 aux chantiers de Saint-Malo, France.

Dans le journée du 30 janvier, ce chalutier n’effectua pas l’appel quotidien habituel. La veille il avait annoncé son retour au port pour le lendemain. Le premier jour il n’y eut aucune inquiétude à son sujet car nous étions en période hivernale et il arrivait assez souvent que des chalutiers ou autres navires, par suite de leurs antennes brisées par le poids de la glace survenue à la suite des embruns, ne pouvaient communiquer avec la terre.

Le lendemain 31, le « Ravenel » n’ayant émis aucun message, la Société de Pêche et de Congélation alerta tous ses bateaux auxquels vinrent s’ajouter des navires caboteurs et pêcheurs de Terre-Neuve, le bateau postal de Saint-Pierre et les avions de la R C A F d’Halifax et ceux de la base américaine d’Agentia à Terre-Neuve. Malgré toutes les recherches effectuées, la présence du « Ravenel » ne fut décelée nulle part sur l’océan. Quelques jours plus tard une porte de timonerie, un soulier, un vêtement ciré et une bouée couronne marquée « Ravenel » furent recueillis sur la grève de Lories, Terre-Neuve. Certains de ces objets furent identifiés comme ayant appartenu à des marins du « Ravenel ».

Le chalutier était commandé par le capitaine Adrien Fily. Le lieu du naufrage n’a jamais été déterminé avec précision. Aucun des corps des dix-huit hommes ne fut retrouvé. La perte du « Ravenel » fut pour nos îles une véritable tragédie maritime. Ce terrible malheur qui frappait de jeunes veuves et de nombreux orphelins fut ressenti non seulement par la population de Saint-Pierre et Miquelon, mais également par celle de la grande île voisine. Les nombreux télégrammes et messages de sympathie qui furent adressés de plusieurs villes de Terre-Neuve aux autorités de Saint-Pierre en furent la plus émouvante démonstration.

Différentes thèses ou versions furent avancées après la perte du « Ravenel ». Parmi elles, une consistait à affirmer que le chalutier avait au moment de son retour une très mauvaise « assiette », par suite d’une très faible quantité de « fuel » à son bord. Ce manque d’assiette fut aggravé, toujours d’après les partisans de cette thèse, par les embruns qui, en gelant sur toutes les superstructures du navire, augmentaient dans des proportions considérables ce déséquilibre.

D’autres prétendirent que le « Ravenel » fut victime d’une collision. Ces mêmes personnes affirmaient qu’un cargo étant monté en cale sèche à Saint-Jean de Terre-Neuve, on avait constaté sur son étrave des traces de la collision et même des traces de peinture de même couleur que celle du « Ravenel » avaient été vues sur l’avant de ce cargo. Ces affirmations n’ont jamais été confirmées par les autorités responsables du port de Saint-Jean.

Une autre version circulait dans certains milieux professionnels marins au moment du naufrage. Le « Ravenel » aurait heurté en pleine vitesse la basse « Babe-Rock », située en face du hameau de Lories et aurait coulé à l’accore de ce haut fond. C’est ce qui expliquerait que certains objets furent trouvés sur la grève de Lories. A l’appui de cette version, ses partisans faisaient état de la constatation qui fut faite de la présence d’une importante nappe de mazout à proximité de cette basse précitée, quelques jours après le naufrage.

Quoi qu’il en soit la disparition du « Ravenel » ne fut jamais éclaircie et le mystère au sujet de la fin de ce navire reste entier.

L’équipage était composé de :

  • AUTIN Gérard
  • BONNIEUL Joseph
  • BOURGEOIS Robert
  • CLAIREAUX Eugène
  • FILY Adrien
  • LAFARGUE Jean
  • LAHITON Henri
  • OLANO Frédéric
  • ORSINY Jean
  • POULARD Charles
  • POULARD Yvon
  • REBMANN Lionel
  • RENOU Roger
  • REVERT Amédée
  • URDANABIA André

13/05/1959 : Savoyard

Savoyard échoué sur le Petit St-Pierre (Photo de Gabriel Cormier).

Le « Savoyard » était un chalutier de grande pêche appartenant à la Société de Pêche et de Congélation de Saint-Pierre. Il fut construit en Hollande pour cette compagnie. Il était en acier et avait une longueur de 5O mètres.

Son capitaine était Saint-Pierrais, Jean Cormier. Ce chalutier eut une triste fin et ce fut lui la première victime de cette série de malheurs et d’infortunes qui frappa par la suite cette société. Le chalutier partait pour les lieux de pêche mais il devait faire un crochet à Fortune, Terre-Neuve, pour y débarquer un passager, Mr Tupé-Thomé, un homme politique français qui était venu à Saint-Pierre se porter candidat aux élections législatives. Plusieurs opposants à la politique de cet homme étaient sur le quai au moment du départ et certains d’entre eux se moquèrent de lui. Il faut préciser que ce monsieur avait également un assez grand nombre de supporters qui étaient venus l’accompagner et lui serrer la main avant le départ. Plusieurs de ces personnes séjournèrent dans la timonerie du navire jusqu’au moment de larguer les amarres. Certains ont prétendu et prétendent encore que cette présence humaine dans la passerelle avant l’appareillage était contre-indiquée et qu’elle fut responsable d’une déviation du compas. En toute bonne foi, il faut admettre que ces affirmations sont pour le moins quelque peu fantaisistes.

Moins de dix minutes après son départ du quai de l’ancien frigorifique, le chalutier montait littéralement sur le « Rocher Petit Saint-Pierre » Au moment de l’échouage qui fut très violent, quelques membres de l’équipage furent blessés légèrement.

Un puissant remorqueur d’Halifax, le « Foundation Vigilant » fut demandé d’urgence. Compte tenu de la position très spéciale du « Savoyard » sur le rocher, il fut absolument impossible de le renflouer. Le chalutier resta assez longtemps dans cette situation inconfortable. Grâce à l’aide apportée par les tempêtes d’automne, la mer creusa la tombe de ce pauvre bateau qui gît maintenant à environ trente mètres du rocher et dont on aperçoit très bien la coque quand on la survole par avion.

17/10/1958 : J.T. Murley

Photo. Georges Borotra

Par une nuit très noire d’automne 1958, la goélette « J.T. Murley » de Terre-Neuve, vint s ‘échouer au lieu dit « Anse a la Chaudière » entre la Pointe de Savoyard et le Diamant. L ‘équipage croyant que le bateau se briserait très vite, quitta le bord dans deux doris. Le premier doris monté par trois hommes parvint à gagner la terre, mais le second dans lequel se trouvait le capitaine, ne fut pas aussi heureux et fut brisé sur les rochers par une mer en furie. Les corps des trois marins vinrent s’échouer le lendemain. Quelques marchandises légères furent sauvées par des Saint-Pierrais.

Ce naufrage laissa longtemps dans la mémoire de la population Saint-Pierraise un souvenir douloureux.