30/01/1916 : Bretonne

La goélette « Bretonne » était un bateau français de 161 tonnes, immatriculé à Paimpol et elle était commandée par le capitaine au long cours Yves-Marie Leroux. Elle avait quitté le port de La Rochelle le 4 décembre 1915 avec 21 tonnes de marchandises diverses et 90 tonnes de lest. Son équipage se composait de huit hommes.

Des vents d’ouest fréquents et une grosse houle génèrent considérablement le petite goélette pour la traversée de l’Atlantique. Elle eut de nombreuses avaries à sa voilure, ce qui eut pour effet de ralentir sa vitesse et son arrivée à Saint-Pierre. La seule embarcation de sauvetage fut détruite au cours de cette dure traversée hivernale.

Vers le 20 janvier, la « Bretonne » atteignait les « Grands Bancs » et le capitaine Leroux entreprenait la dernière partie de ce voyage sur Saint-Pierre. A seulement quelques milles marins du port, une tempête de neige l’obligeait à s’éloigner de cette côte peu hospitalière.

Onze jours plus tard, il essaya de nouveau. Le capitaine précisait sa position à 8 h 30 du matin par un sondage, puis la confirmait avec son sextant vers midi. A cette heure, il estimait sa position sur la partie nord du Banc de Saint-Pierre.

Poussé par une brise venant de l’ouest, la « Bretonne » avançait à trois noeuds, seulement, mais sa position n’était pas certaine. On ne put par la suite confirmer cette affirmation, car le journal du bord fut perdu lors du naufrage qui survint cette nuit-là. Comme cela arrive très souvent dans ces parages, une brume très épaisse enveloppait le bateau à huit heures du soir. Le capitaine estimant être à quelques quatre milles au Sud-Est du Cap Noir sur des sondes d’environ 130 à 140 mètres, s’approcha de la côte pour essayer d’entendre la sirène ou le bruit du canon de Galantry. Les feux de position furent vérifiés et le signal de brume fonctionna à intervalles réguliers. A 11 h 30 du soir, l’homme de quart vit soudain une lueur blanche fixe et en avertit immédiatement le capitaine. Le capitaine Leroux identifiant cette lumière pour celle d’un mat de navire, désespérément essaya de faire demi-tour pour éviter la collision. Le feu n’était pas celui d’un navire, mais celui du phare de la Pointe Leconte, au sud-ouest de l’île aux Marins. Pendant que les hommes d’équipage manœuvraient le bateau, ils entendirent un bruit terrible causé par la quille du bateau s’échouant sur les rochers. Sans embarcation de sauvetage et réalisant que son bateau avait sa coque ouverte, le Capitaine Leroux décida de rejoindre la côte, si possible. Il passa la première chaîne de rochers et vint à une demi-encablure de la côte. Le bateau s’était échoué au lieu dit « Banc de Galets », sur la côte sud de l’île aux Chiens. Les signaux de détresse envoyés par le navire furent observés par les habitants de l’île qui accoururent pour apporter secours au bateau échoué. Un des auteurs se rappelle fort bien ce naufrage, car il avait à l’époque sept ans et il habitait l’île aux Chiens.

Son père d’ailleurs avait participé au sauvetage de l’équipage, avec les rares hommes présents dans l’Ile, car c’était la guerre et une grande partie de la population masculine était sous les drapeaux. Son père lui a raconté plusieurs fois ce naufrage qui aurait pu se terminer de façon dramatique. L’auteur a encore, présente à la mémoire, la vision de cet immense brasier que représentait une cinquantaine de barils en chêne, vides de pétrole, dans lesquels on avait mis le feu, sur la partie la plus haute de la grève, afin d’éclairer cette opération de sauvetage.

Une fusée sur laquelle était fixé un petit filin fut lancée au canon lance-amarre par le pilote Lebiguais. Cette fusée eut son point d’impact sur le mât de misaine, dont elle enleva un fragment. Un va-et-vient fut installé immédiatement avec un fort cartahu sur lequel fut accroché une bouée culotte, munie d’un hale à bord et d’un hale à terre. Le capitaine Leroux quitta comme il se doit, le bord le dernier. A mi-route il resta bloqué et trempa plusieurs fois dans la mer. La cause de ce blocage était due au hale à bord qui était resté coince à bord du bateau. Le capitaine ne perdit pas son sang-froid. Saisissant dans sa poche un petit couteau, cadeau de son épouse au moment de leurs fiançailles, qui ne le quittait jamais, il trancha d’un coup sec le petit filin, ce qui eut pour effet de libérer immédiatement la bouée culotte. Le capitaine arriva sain et sauf à terre, mais l’alerte avait été anxieuse. Tous les rescapés furent réconfortés et hébergés chez les habitants au cours de la nuit. Le lendemain ils partirent à Saint-Pierre où ils furent reçus par le représentant de l’armateur et les autorités de l’Inscription Maritime.

L’eau envahit très vite le navire et presque tous les documents, y compris le journal de bord, furent perdus. Une partie seulement de la cargaison fut sauvée avant que les vagues déferlantes ne finissent de détruire le bateau.

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